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Angkor des nouvelles: La Birmanie | Jay WorldMan
Bagan

Les chapeaux pointus de Bagan!

A l’heure où j’écris cet article je me trouve en transit à Thazi, au centre de la Birmanie. Angkor Wat a été une grosse déception : l’endroit est surpeuplé de touristes, appareils photos en main, qui polluent par leur présence les magnifiques ouvrages khmers, tout comme moi. Impossible de se prendre au jeu. J’ai eu beau me lever à 4h30 pour aller admirer le lever du soleil (caché par les nuages) au-dessus d’Angkor Wat, tout le monde a fait pareil, à croire qu’on a tous acheté le même guide et qu’on a tous suivi ses conseils. L’aventure n’est jamais par là, reste qu’il faut de la détermination pour se convaincre de passer à côté de tels monuments au prétexte que tout le monde fait pareil. Si je n’avais pas vu Angkor Wat, je l’aurais toujours regretté. A présent je suis bien content d’en avoir fini avec cet endroit corrompu par le tourisme de masse dont je suis l’un des hérauts, malheureusement.

J’ai poursuivi ma route jusqu’en Birmanie… Tout y est très différent. La Thaïlande est le futur du Cambodge, et le Cambodge le futur de la Birmanie. Tous les hommes, à quelques exceptions près, s’habillent en robe (ça s’appelle des « longi ») et mâchent du pahr (quoiqu’ils l’appellent différemment : pahr étant le nom indien), des feuilles assaisonnées qui teignent leurs dents en rouge et qui font saliver : tout le monde crache un peu partout, avec une admirable précision je dois dire, car l’exercice est loin d’être évident (la plupart de mes crachats ont dégouliné sur ma chemise).
Pour ce bout de chemin de dix jours en Birmanie, j’ai été rejoint par mon camarade Tintin, le petit reporter. Tintin a eu des problèmes dès son arrivée : il n’y a pas de distributeurs de billets en Birmanie et Tintin n’a pu emporter que trois cents et quelques dollars, dont trois billets de cent. La difficulté vient de ce que les Birmans sont paranos avec les dollars : ils ne doivent pas avoir été pliés, ils ne doivent pas avoir été marqués (stylos, points microscopiques suspects, etc.), ils ne doivent pas avoir un numéro d’immatriculation commençant par « CB ». Pourquoi pas ? Parce que la banque birmane est très stricte (lunatique ?) sur les dollars qu’elle accepte de changer en kyats (la monnaie locale) et que celui qui accepte un billet que la banque refuserait d’échanger devra rembourser… On comprend l’hésitation de la part de fonctionnaires dont le salaire s’élève à 30 dollars par mois.
Tout ça n’est pas très clair. Ce qui est sur c’est que si Tintin n’avait pas pu changer ses billets il aurait été dans une sacrée merde. Heureusement les choses se sont arrangées.

petit moine

Apres la partie d’1, 2, 3 soleil on regarde les cerfs-volants.

Rangoon ressemble un peu à Delhi telle que j’ai connue cette ville il y a quatre ans. Sauf qu’à Delhi il y avait des magasins à la pointe de la modernité aux milieux des poubelles, absents à Rangoon.
Tintin et moi avons rapidement assimilés trois mots de birman : « mingalaba » (bonjour) « tchèzubé » (merci) « tata » (au revoir). Ce sont des jeunes Birmans qui nous ont appris à les prononcer, dans la rue où nous les avons rencontrés, jouant au ballon ou à d’autres jeux. Notre présence n’est pas passée inaperçue, les étrangers sont rares, ce qui rend tout le monde curieux.

Compte tenu de mon expérience indienne, je ne découvre pas la Birmanie avec l’émerveillement qui aurait été le mien si c’était ma première expérience dans un pays à la culture aussi différente de la mienne. Je ne veux donc pas m’attarder sur les rues en terres, les chiens errants et les autres attributs de ces « mondes » là, l’Inde comme la Birmanie, parfois la Thailande, le Cambodge, etc. Ce qu’il y a de spécifique à la Birmanie, ai-je remarqué jusqu’à présent, ce sont les « longi » que j’évoquais tout à l’heure, et la manière très spéciale qu’on les femmes (principalement) de s’étaler leur crème solaire : en gros pavés jaunes qui leur couvrent les joues et le front. Certaines s’en font même des motifs. Les hommes en portent moins, peut-être ne sont-ils pas aussi soucieux que les femmes de ressembler à l’idéal de beauté birman : à la peau blanche. On retrouve le même phénomène en Thailande où tous les produits de beauté sont réputés « blanchissants ».

Perdus dans Rangoon, en attendant notre train, Tintin et moi sommes accostés par un Birman parlant un bon anglais, et qui nous demande des nouvelles de la guerre civile en Thailande, celle inventée par les médias pour intéresser le public aux évènements de Bangkok du mois de mai-juin. Je lui réponds qu’il peut aller à Bangkok sans souci et nous engageons la conversation, lui nous demandant de poser les questions que nous voulons sur son pays. Ca sent le piège ! Tintin et moi évitons tout sujet politique, cependant que nous sympathisons avec l’inconnu qui nous emmène faire un tour de la ville. Au Cambodge, en Thailande, en Inde j’aurais refusé, étant trop sûr que le bonhomme finirait par nous réclamer de l’argent ou nous pousserait dans le magasin d’un de ses cousins. Ce ne fut pas le cas ici : notre ami birman nous a fait la conversation, nous a appris à mâcher le paan, insistant pour payer à chacune de nos dépenses communes : paan ou thé. Nous avons refusé autant que possible bien qu’il ne soit pas mal d’accepter : s’il est sincèrement content de nous accueillir, il n’y a pas de raison que nous lui refusions le droit ni le plaisir de nous traiter en invités.

Les jours ont passé et je ne peux pas résumer tous les évènements. Nous avons quitté Rangoon sous la pluie et le soleil en même temps, fuyant un marché plein de couleurs jusqu’à la gare. Nous embarquons pour 18h de train, jusqu’au centre du pays… Le pays n’est pas si grand mais le train pas si rapide. A l’intérieur comme à l’extérieur on nous rend systématiquement nos sourires. Le paysage est vert de rizières et de champs, de palmeraies ombrageant parfois des sillons de terre rouge. L’ensemble est plutôt plat. Nous traversons parfois des villes sans le savoir, tant elles ont tout l’air de cabanes isolées. On nous fait des signes de la main, à nous comme aux autres voyageurs : ici c’est encore très spécial de croiser un train. Ca a gardé ce quelque chose de magique. A intervalles réguliers, sur le côté de la voie, un type porte à bout de bras une sorte de cerceau de bois qu’un autre type, perché sur le devant de la locomotive saisit au vol avant de le jeter quelques mètres plus loin. Peut-être le cerceau contient-il quelque sorte de message ? Il n’y a pas de téléphone ici, portable ou non, c’est interdit.

Nous arrivons à Bagan à la mi-journée, le lendemain, avec quelques heures de retard… Compte tenu de la nuit que nous venons de passer à bord du tape-cul nous ne faisons pas les difficiles en matière d’auberge et suivons les indications du Lonely planet (pas pu acheter de guide du routard, hélas, parfois moins précis en ce qui concerne les transports mais toujours mieux pour se plonger dans l’atmosphère d’un pays).

Bagan est connu pour abriter quelques 4.400 pagodes dans sa plaine. Nous louons des vélos dès le lendemain pour nous y promener. Chaque pagode a son petit intérêt, mais c’est l’ensemble qui est véritablement grandiose, lorsque nous l’embrassons du haut de la pagode où nous nous sommes hissés. Ses 4.399 petites sœurs percent à travers les arbres qui recouvrent la plaine. Certaines sont dorées, d’autres blanches, la plupart sont rouges. D’en bas monte le bruit des clochettes attachées aux cous des vaches ou des chèvres dont les troupeaux ne manquent pas, toujours menés par des bergers souriants. Nous changeons de Pagode pour assister au coucher du soleil en compagnie de touristes que nous n’avions pas croisés jusque là, mais que nous retrouvons sur la pagode que le guide recommande au crépuscule (un hasard, nous ne le savions pas). Tant pis, ce n’est pas encore grave, profitons-en : il n’y a que quelques vendeurs pour nous harceler et toujours avec le sourire. Dans quelques années, à cause de nous, ce ne sera plus comme ça.

Tintin et moi sommes partis ce matin en direction d’Inle Lake. Apparemment un autre haut lieu du tourisme, mais aussi un des sites les plus beaux… forcément. Il faut se méfier : la plupart des Birmans sont très gentils et désintéressés, mais quelques roublards se cachent parmi la foule. Ca reste toutefois très facile de sympathiser, et puis nous sommes une telle rareté ! Au marché de Thazi, qui rappelle la grand rue de Daisy Town, bordée de calèches et d’échoppes en bois, nous nous enfonçons dans les ruelles que forment les étalages. Parfois ca sent agréablement les épices, parfois ça sent la mort : des femmes étripent poissons et volailles, sans pitié. Les plus jeunes nous saluent de « hello » en nous voyant et gloussent quand nous répondons. De retour dans la grand rue nous remontons un flot d’écoliers. Tous nous remarquent, nous sourient mais ils ne s’agglutinent pas autour de nous comme ca m’était arrivé en Inde. L’autre différence majeure d’avec ce grand pays ce sont les habitants, ou plutôt leur nombre. Dans une ville indienne il n’y a pas d’espace libre d’Indiens, où que le regard se pose. Il y a toujours quelqu’un et il y a souvent quelqu’un x30. Ici, au contraire, l’espace ne manque pas. On a même l’impression qu’on pourrait les compter ces Birmans !

Nous arrivons devant une pagode (un temple bouddhiste quoi !) qu’on nous a fait signe d’aller visiter. Un petit moine vient nous ouvrir la grille, fermée jusque là, et nous emmène sur le toit. D’après ce que j’ai lu il ne s’agit pas vraiment d’un petit moine, mais d’une jeune birman qui fait sont service auprès des moines. Les Birmans doivent faire ça deux fois dans leur vie, une fois pendant l’enfance, une autre fois à l’âge adulte. D’autres enfants nous rejoignent sur le toit. Tintin les prend en photo et leur prête son appareil, puis il m’aide à leur apprendre les règles de « 1, 2, 3 Soleil ». Bien que nous n’ayons aucune langue en commun les enfants pigent tout de suite et nous enchainons les parties, encore, encore, encore. Ca ne se lasse pas vite les enfants ! Ils ne s’arrêtent que lorsqu’on leur propose un nouveau jeu : des amis à eux ont amené leurs cerfs-volants. Ils les déroulent du bord des champs qui couvrent la plaine jusqu’aux montagnes qui marquent l’horizon. Des vaches à bosses font sonner leurs clochettes, le soleil brille, c’est beau. Tintin et moi n’avons pas de cerf-volant, mais nous pouvons participer à une partie de cache-cache. Je ne sais pas si Bouddha serait content mais il a bien aidé pour le coup. Bref, c’était une bonne journée, et une bonne après-midi. Dans quelques années, tout sera corrompu ici. Les multinationales déferleront, tôt ou tard. Les enfants joueront aux jeux-vidéos plutôt qu’aux cerfs-volants et « 1,2,3 Soleil » leur paraîtra le jeu le plus nul de la terre, en plus d’être le plus ridicule. On peut pas arrêter le phénomène, mais une chose est sûr en tous cas, si je ne m’autorise pas le droit de présumer que les Birmans sont heureux, compte tenu de la rigueur de leur régime politique, rien de ce que j’ai vu ne me laisse penser qu’ils sont malheureux.
Le progrès n’a vraiment rien à voir avec le bonheur.

PS : cet enfoiré de Tintin revient de la gare, il a mis une plombe à acheter les billets de demain parce qu’il s’est arrêté au retour pour jouer au foot avec des Birmans. Ca m’apprendra à l’envoyer s’occuper des corvées à ma place.

PPS : Navré pour les fautes et pour le style, compte tenu des conditions de voyage, je ne me relis pas.

PPPS : il est 21h00, nuit noire dans Thazi : une vingtaine de ruelles boueuses qui s’entrecroisent à la perpendiculaire. Pas d’éclairage public seulement celui d’un magasin de jeux vidéos où de jeunes Birmans jouent à la Playstation 2 sur des télé des années 70. D’autres jouent dans la rue où discutent en famille sur des presque terrasses en bois. Au travers d’une palissade, j’observe une famille qui s’amuse en badinant autour d’une table. Je suis dans le noir, ils ne me voient pas. Eux sont dans la lumière. Ca me donne l’impression d’être exclu du monde. En fait j’envie la simplicité forcée des Birmans et la joie qu’ils en tirent, où plutôt qu’ils tirent de ce qui s’y cache et qui m’est encore trop flou dans ce grand ensemble de naturel qui me rappelle les vacances d’été de mon enfance. Pour l’instant je suis un blanc, on me sourit, un jour je serai les blancs et on ne me sourira plus, ma personne ne sera que la miette d’un ensemble plus gros dont on peut facilement prédire l’image qu’il donnera. Je suis un peu triste de l’homogénéité qui se répand partout, qui tue le rêve et l’aventure. Décidément !