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Pourquoi apprendre à exprimer ? | Jay WorldMan

L’autre jour j’ai reçu un mail de l’un d’entre vous, fidèles lecteurs, qui me demandait de lui « apprendre à s’exprimer ». Ça m’a chevalement touché évidemment, ça m’a aussi fait réfléchir à ce que « s’exprimer » pouvait bien signifier… et cette réflexion tombait à point nommé pour en compléter d’autres que je me faisais au sujet de ces personnes, si nombreuses, qui ont tant de choses à dire, dans leurs lettres de motivation par exemple, dans leur déclarations d’amour ou sur leur mal-être en général… mais qui en disent si peu, finalement.

Savoir s’exprimer est fondamental, c’est une des clefs du bonheur.

Entendons-nous bien : savoir s’exprimer ne signifie pas, à mon sens, de bien savoir communiquer ; mais d’être en mesure de révéler ce qu’on a en soi, à soi-même, comme aux autres.

Bien communiquer, c’est employer la bonne forme pour toucher le bon public. Bien s’exprimer (au nabolo-sens du terme), c’est mettre à l’air libre toute sa matière personnelle, ce mélange d’imaginaire et d’émotions qu’on a auto-générée.

Pour faire simple : savoir s’exprimer, c’est savoir dire ; savoir communiquer, c’est savoir comment dire.

Et avant d’apprendre à communiquer, il faut d’abord apprendre à exprimer bien sûr ! Autrement vous direz du vide et vous serez bon pour une carrière de journaliste…

Je parle des journalistes modernes bien sûr, ceux qu’on peut remplacer par des robots et qui finissent toujours

Leurs phrases comme ça.

Parce qu’on le leur a appris

A l’école.

Je ne parle pas du journaliste idéale qui traite l’information, celui qui nous éclaire d’un point de vue.

La société dans laquelle nous vivons créé des robots en uniformisant les esprits (voir un autre article à ce sujet). C’est comme ça, elle ne le fait pas méchamment, elle le fait parce que c’est le moyen qu’elle juge le plus efficace pour atteindre les objectifs que nous lui avons assignés.

Lorsqu’elle vous transforme en robot, en vous passant au tamis de ses règles et de ses codes sociaux, la société vous inculque l’autocensure, et vous prenez l’habitude de taire ce que, enfant, vous criiez, chantiez, dessiniez, etc.

Si vous lisez cet article (et je dirais qu’il y a de grandes chances si vous lisez aussi cette phrase), profitez-en pour faire péter le verrou que vous vous êtes mis sur le cœur, et faites un premier pas vers la libération de vos facultés d’expression car… vous verrez c’est rigolo !

Et pour commencer, vous vous surprendrez vous-même en vous découvrant des aptitudes à la poésie… Car la poésie naît souvent de la transgression des règles. Je veux dire : en quoi l’idée de « cadavre exquis » serait-elle poétique si elle ne naissait de la transgression d’une règle ? La règle étant qu’un cadavre n’est normalement pas exquis. De même on peut dire qu’un cheval ailé a quelque chose de poétique, alors qu’un pigeon ailé plutôt moins… Remarquez qu’un pigeon pas ailé avec quatre pattes et une crinière n’est pas forcément poétique non plus, mais dans ce cas c’est surtout un problème inhérent au pigeon.

Je vais vous donner un exemple plus concret, celui qui a provoqué le déclic dont est né le présent article. C’était il y a quelques années, lorsque je travaillais encore à la rédaction de mon EXCELLENT roman : « Indiana Tom et le rapport de stage perdu » que vous avez depuis tous eu le bonheur de lire (autrement rattrapez-vous vite). Il y avait un passage du roman où je cherchais à décrire les jeux de lumière dans les jardins de l’Ambassade de France de New Delhi… Mais peine perdue, ma coloc’ et relectrice de l’époque trouvait le passage chiant.

–          C’est plat, c’est creux, c’est nul, c’est…

–          Oui bon ça va, ça va.

–          Mais qu’est-ce que t’as voulu dire ?

–          Ben je voulais essayer de rendre l’impression merveilleuse que ces lumières m’ont faite ce soir-là, en clignotant sous les feuillages… Tu sais, avec les éclats rouges et verts qui explosaient sur les feuilles des plantes exotiques… Bizarrement je me suis imaginé des pygmées cannibales cachés dessous qui sonnaient l’heure du festin en tambourinant sur leurs tam-tams.

–          Ben voilà, c’est bien t’as qu’à dire ça !

–          …

Ça m’avait laissé comme deux ronds de flanc. Mais elle avait raison, c’est ça que j’aurais aimé dire mais que je n’avais pas réussi à exprimer, à faire sortir de moi pour l’aménarranger ensuite, afin de le communiquer aux mieux (chose facile une fois que l’idée s’est exprimée à l’air libre).

Je me rappelle bien de cet épisode, comme vous voyez, car depuis, quand je m’apprête à dire ou écrire un truc je me demande toujours au dernier moment : « Ok, mais qu’est-ce t’as voulu dire ? ». Puis je compare avec ce qui s’apprêtait à sortir, et j’ajuste.

Mais c’est loin d’être simple quand on n’est pas entraîné… En particulier parce qu’il est facile d’oublier d’être exhaustif.

Je vous donne un exemple : imaginez que vous souhaitiez faire une déclaration d’amour. La société vous a appris que, pour dire à quelqu’un que vous l’aimez, il faut lui dire « Je t’aime. »

Donc imaginez que vous allez voir votre amoureux ou amoureuse et que vous lui dites « Je t’aime ».

Bravo !

Mais c’était facile : maintenant imaginez qu’on ne vous ait jamais appris que c’est en disant « Je t’aime » qu’on exprime ce que vous ressentez en ce moment… Qu’allez-vous faire ? Vous allez exprimer ce que vous ressentez, le décrire. Et votre déclaration ressemblera plutôt à :

« C’est bizarre tu sais mais je me sens spécialement bien quand t’es là… et moins bien quand t’es pas là. Quand t’es pas là je pense à toi ; quand t’es là j’ai le cœur qui bat. »

C’est plus touchant non ? Et pourtant c’est loin d’être exhaustif. Car si vous étiez exhaustif vous complèteriez avec des précisions comme :

« Et quand tu ris ça me donne envie de rire avec toi… J’ai l’impression de pouvoir partager ta joie comme avec personne d’autre, et que je pourrais passer des heures à contempler les mouvements de ton visage, le plissement de tes lèvres pour voir ton degré de bonheur, les couleurs sur tes joues pour lire ta joie dont l’écho se répercute si fort dans ma poitrine quand, devant moi, tu te changes en cette sorte d’œuvre d’art vivante qui me touche tant et avec laquelle je n’en reviens pas de pouvoir interagir : quand je te parle, quand je te touche, quand je t’embrasse, j’ai l’impression d’avoir droit à quelque chose qui est trop beau pour que je le mérite… Et pourtant j’y ai droit. Et ça, ça remplit mon cœur de blablabla et de blabla. »

Ça, c’est vraiment « s’exprimer » : faire voir au dehors ce qu’on a au-dedans.

Forcément, « s’exprimer » tous les jours, ça prend du temps. Mais ça prend du temps sur quoi ?

Je vous laisse trouver tout seul votre réponse à cette question. En attendant, après l’exemple de la déclaration d’amour, je prends celui de la dispute et de la lettre de motivation, deux cas que je rencontre hyper souvent parmi mes proches, des cas où, au moment de communiquer, ils oublient totalement de s’exprimer.

Pour les lettres de motivation ils respectent la forme, y a pas de souci : leurs lettres sont même tellement formelles qu’elles ne contiennent plus QUE de la forme : « Monsieur je serais très honoré de travailler avec vous, et j’ai les compétences pour faire ce truc, je crois que ce serait vraiment bien, et donc je me tiens à votre disposition, je vous prie de croire monsieur à l’assurance de mes sentiments distingués, prout. »

Aucun intérêt. C’est comme lire une feuille de PQ : c’est vide (ou alors… non, disons juste que c’est vide).

Et pourquoi ça a peu d’intérêt ? Parce qu’on ne voit rien du dedans de la personne ; on ne découvre rien de sa richesse intérieure, de ce qui gigote sous son crâne, de ce qui bout, fulmine, gronde et tambourine dans son putain de poitrail !!! Non, on n’en voit qu’une coquille… allez savoir si elle est vide ? En tous cas elle n’incline pas à la confiance : on n’en est heureusement pas encore arrivé au point où l’on ne recrute que des compétences. On recrute toujours des personnes, parce qu’on sait qu’une fois qu’on les aura assisses là, dans le siège du bureau d’à côté, on risque de se les frapper jusqu’à la retraite.

C’est d’ailleurs la réflexion que je me faisais l’autre jour en me prenant une amende dans le train, parce que, erreur d’impression ou de ma part (je penche pour la deuxième solution), je voyageais à la date-d’après la date imprimée sur mon billet, à une place vide, néanmoins. Un jeune contrôleur de la SNCF qui sentait de la bouche comme la cave secrète de l’abbaye du chaussée au moine qu’on n’a pas rouvert depuis 1315, m’a alors collé une amende de soixante boules malgré mon air sincèrement dépité. Je ne l’ai d’ailleurs pas exprimé à ce moment-là (honte à moi), mais j’aurais voulu lui dire que si, en cette occasion, il ne se servait pas de ses capacités humaines d’appréciation et d’empathie, il ne faudrait pas qu’il vienne se plaindre, plus tard, lorsqu’on le remplacera par un robot. Car quitte à me faire sucrer une partie de mon salaire pour une erreur (quand bien même je suis dans mon tort au regard du règlement), je préfère que ce soit par un robot : il aura meilleure haleine (celle du contrôleur en dit long sur ses facultés empathiques).

Bref, pour rester humain dans notre monde de machines et de vitesse, il faut prendre le temps et l’habitude de s’exprimer. Ça vaut pour les déclarations d’amour, les lettres de motivation, ces enculés de contrôleurs de la SNCF (tous ne sont pas comme ça) (mais y en a beaucoup quand même) et ça vaut aussi pour les disputes ! Quand vous vous disputez avec quelqu’un, n’omettez pas d’être exhaustif sur vos sentiments à son égard, comme je l’ai récemment fait avec l’un de mes colocataires :

«  Ecoute Noé, tu fous le bordel dans cet appartement, tu ne fais rien de tes journées et j’en ai ma claque que tu me piques ma bouffe dès que j’ai le dos tourné. On retrouve tes poils jusque dans le trou d’évacuation de la douche alors pourtant que t’y fous jamais les pieds… Mais que tu débranches la livebox alors que je suis en pleine partie de DRAKERZ c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Voilà. Maintenant soit tu t’arrêtes, soit je vais user de la force pour te CONTRER, car cette situation m’est devenue in-sup-por-table. En revanche sache que je tiens à toi et que ta présence m’est précieuse dans cet appartement : tu fais partie de la maison, de la famille même, et si je te dis tout ça c’est afin que nous parvenions à mieux vivre ensemble, sans que ça ait le moindre impact sur l’affection que je te porte, et qui est immense, connard de chat. »

Ça c’est du message exhaustif ! Ça évite que l’interlocuteur ne se braque en remettant les choses dans leur contexte : si on s’engueule c’est avant tout parce qu’on a le désir d’interagir ensemble, qui implique le désir de faire en sorte que les choses se passent bien. Cette dispute n’est donc qu’une manifestation de l’amour réciproque que nous nous portons (ndlr : mais dans le cas de Noé je garantie pas à 100%).

Je vous disais que bien savoir s’exprimer, bien savoir montrer l’intérieur de soi aux autres, est à la fois rigolo et l’une des clefs du bonheur. Mais c’est aussi un bon moyen de vous connaître vous-même en regardant ce que vous avez au fond de vous sans en avoir conscience. Je crois qu’il y a beaucoup d’émerveillements qui vous attendent de ce côté-là car chacun de nous recèle des trésors insoupçonnés, mais n’a souvent pas la connaissance ou la confiance nécessaire pour les extraire.

Rappelez-vous aussi qu’à chaque fois que vous ne vous exprimez pas tout en interagissant avec autrui, vous lui laisser la charge d’interpréter ce que vous êtes et ce que vous ressentez : il va sans dire que la marge d’erreur possible est maxigigantissimesque !!!

Alors exprimez, exprimez, exprimez : VOUS !

Une fois que vous saurez exprimer, il sera temps d’apprendre à communiquer, c’est-à-dire à calibrer ce que vous exprimez de manière à ce que ce soit perçu et compris de la façon la plus efficace possible par la personne visée ; et par efficace j’entends d’abord « le plus précisément » et ensuite « le plus rapidement ».

A cette fin et pour conclure, je dirais que le plus drôle dans toute cette histoire, quand on met de côté la communication pour privilégier l’expression, c’est qu’à titre perso et à ce moment où j’en suis de mon aventure de la vie, je dirais que la meilleure des communications c’est l’expression, pure, brute, franche, naturelle, naïve ; telle qu’elle est pratiquée par un enfant de quatre ans (ou par Forest Gump). Dites ce que vous pensez, vraiment, complètement, et il vous deviendra moins facile de tomber dans le piège des incohérences que vous vous serez créées par le truchement d’un comportement trop sophistiqué. Autrement dit : déformatez-vous pour redevenir qui vous étiez. Quand vous jouez trop les adultes ça se voit, vous savez ?