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Figurant Bollywood cinq jours de tournage dans la vie d’un (5/5) | Jay WorldMan
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Le camion a deguisements!

J’ai mal dormi à cause de l’odeur du beurre bon marché que je me suis étalé sur le pif pour soigner mes brûlures : pas moyen de mettre la main sur une crème estampillée Nivea et testée en bonne et due forme sur des animaux malades, il a fallu prendre des risques (c’est ça la vie d’aventurier !).

La bonne surprise ça a été de recevoir mon salaire de la veille sans insister pendant quatre quart d’heures. Hier au soir j’avais été obligé « d’isoler » « l’assistant » de mon « agent » sur le « balcon », pour lui expliquer mon « point de vue ». On dirait qu’il l’a compris : tout se passe désormais comme convenu au départ… Enfin c’est quand même beaucoup dire.

De nouveaux wannabe-figurants-Occidentaux nous ont rejoints. Notamment un Russe qui s’est pris la tête avec les habilleurs dès son arrivée sur le tournage, au prétexte qu’ils n’avaient pas de chaussures à sa taille. Il est reparti tout de suite après pour sept heures de trajet vers Mumbai, non sans tenter de foutre la merde en me glissant à l’oreille le montant de son salaire (le double du mien) et je dois dire qu’il a pas mal réussi, nous verrons plus tard comment.

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On en a pris plein la gueule…

Je n’ai rien eu à faire de la journée à part me cacher du soleil et pratiquer le fouinisme. Se cacher a été le plus difficile : les buissons du coin n’étant pas très haut et toutes les autres places étant prises, à l’ombre des bus sans parler de dedans. J’en ai profité pour compléter un vieux poème (« Les vaches de Delhi » ; à lire bientôt dans l’excellente catégorie poème de cet excellent blog). Puis je me suis concentré sur le fouinisme, dessinant le portrait du réalisateur pour le lui offrir ensuite. Il a apprécié, sans pour autant fondre en larmes en m’offrant de jouer le premier rôle, contrairement à ce que j’avais prévu. Il y a des cons partout.

L’heure a tourné. On ne m’appelait toujours pas. La journée entière est passée comme ça. J’ai eu un moment de distraction lorsque Bob, l’acteur Américain qui joue le fils Portugais de Vasco de Gama, s’est fait capturé par les acteurs principaux. Ils l’ont trainé dans la boue, ridiculisé, humilié, maltraité, etc. Si Bob n’avait pas l’air assez lâche, minable, et faible, le réalisateur demandait qu’on la refasse. Sous mes yeux ébahis (fatigués surtout) la société indienne prenait sa revanche sur le colonialisme, une cure psychologique afin de préparer sa place de future méga-puissance mondiale… Mais ce n’est pas pour tout de suite.

Comme c’était le week-end, beaucoup de touristes Indiens qui trainaient dans les parages sont venus assister au tournage, charmés de voir Bob se rouler dans la boue sous les coups de ses deux tortionnaires. Et puis on s’est rendu quelques mètres plus loin pour filmer une scène dans le palais en bois qui avait été construit les jours précédents : il a suffi de faire pivoter une caméra pour entraîner l’action à des milliers de kilomètres.

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Décor vu de nuit.

Le soir est venu. On a activé les projecteurs. Le site était tout aussi magnifique de nuit, mais d’une manière différente. Le tournage a failli être interrompu lorsque quelqu’un a crié « SERPENT ! », un de ces terribles rongeurs ayant été aperçu, louvoyant dans les hautes herbes.

Plus tard on a annoncé « Pack up ! », signal qu’on pouvait tous rentrer, et je me suis étonné qu’on m’ait demandé de rester un jour de plus pour ne rien faire du tout. On m’a proposé de rester encore trois jours sans me payer le lendemain, où je n’étais requis pour aucune scène.

Ce n’est évidemment pas l’argent qui m’intéresse : mon « salaire » était dérisoire d’un point de vue occidental. Néanmoins j’ai besoin d’être pris au sérieux si je veux accéder au statut d’acteur et quitter celui de backpacker sous-payé-recruté-à-la-va-vite, et donc de mégoter si on me prend grossièrement pour un con (en m’offrant moitié moins que le Russe pour le même boulot, par exemple). De plus j’avais déjà donné cinq jours à cette aventure là, et il en reste tellement d’autres à découvrir ! J’ai donc décliné leur proposition. Un type s’est énervé, mais pour ma part j’avais tenu mes engagements. Il m’a fait une nouvelle proposition en bois (le même accord que j’avais déjà passé mais formulé différemment), et il s’est vexé que je la refuse, alors qu’il s’était abaissé à dire qu’il appréciait mon travail et qu’il avait besoin de moi, etc. S’il ne m’avait adressé qu’un sourire durant les cinq derniers jours (ou au moment même), j’aurais accepté son offre de merde pour lui faire plaisir. Mais comme il persistait à me regarder comme il regarderait une théière qui refuserait de faire du thé, j’ai profité du fait que je suis libre pour lui dire adieu.

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Seul, perdu dans la nature… Avec es milliers de technicins autour de moi qui n’apparaissent pas sur la photo.

Je suis rentré à l’hôtel où l’ambiance s’est dégradée. Un des Indiens blonds (le seul à être resté un jour de plus avec moi), alcoolique, a fait sa crise, gueulant sur les nouveaux-venus, giflant même l’assistant du coordinateur (qui avait l’air habitué). Un monde de voyous.

Un pédé, des faux-blonds, un alcoolo, des voyous, etc. Mais eux, que diraient-ils de moi ? Probablement que je suis un paranoïaque aigri, pas convivial pour un sou, qui s’enferme dans sa chambre pour pencher son nez rouge pelé sur un ordinateur.

Le lendemain matin, j’ai attendu pendant dix minutes, de sept heures à dix heures du matin, que l’assistant de mon coordinateur mette effectivement une voiture à ma disposition (ça fait pédant dit comme ça : c’était bien sûr une voiture collective).

Je suis reparti vers Mumbai, désormais conscient qu’Indiana Jones n’est qu’un homme sali par des maquilleurs professionnels, qui ne rouste des figurants que parce qu’ils sont d’accord. La fin d’un mythe.

Quand on pratique une discipline, on vient à en apprécier son résultat différemment des non-initiés. Le musicien entend les notes d’un accord plutôt que la mélodie ; l’architecte voit les structures d’un bâtiment, plutôt que l’ensemble ; idem pour la bande dessinée et le découpage… Maintenant ce sera pareil pour moi avec le cinéma, j’aurai plus de mal à ne pas voir les équipes de techniciens massées autour de l’action… Mais je ne sais pas encore si j’y perds ou si j’y gagne.

Ps: Une petite chanson pour conclure cette serie d’articles, a ecouter ici

RAJOUT DE JUILLET 2012 : le film est sorti, cliquez ici pour voir un extrait ou j’apparais.