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Le chouette mur (the Great Wall) | Jay WorldMan
briques grande muraille

Le chouette mur, vu de près.

Il y a un attrape-touriste très populaire à Pékin, les Chinois en parlent tout le temps : ils appellent ça « le chouette mur » (« the Great Wall »).

En chinois ça se dit « tchang tchong ». J’ai éclaté de rire quand le mec m’a expliqué ça :

– Et « tching tchang » ça veut dire « petit réfrigérateur » tant que  t’y es ?!

…lui ai-je répondu, comme ça, du tac-au-tac.

Hélas il n’a pas compris la blague (les Chinois n’ont pas d’humour) mais comme j’avais du temps à perdre j’ai fini par céder, et je suis allé voir ce mur.

Ce n’était pas la porte à côté, il a fallu se lever tôt. Les Chinois n’ont rien contre : en Chine tout se passe le matin, ça s’anime dans les parcs, ça travaille dans les rues, etc. (d’où ce surnom de « pays du soleil levant »). Un mini-van est venu me chercher à mon auberge, qui contenait une poignée de touristes ayant également cédé à la propagande locale. L’accompagnatrice m’a accueilli avec un p’tit déj’ MacDo, constitué d’un café extralarge et d’un burger à la viande d’animal mort (je ne saurais pas dire lequel). Nous avions trois heures de route devant nous… pour aller voir un mur ! C’est parce que le mur en question a plusieurs tronçons en fait, et aussi parce que nous allions voir le plus beau, le plus magnifique, le plus formidable tronçon (d’après notre accompagnatrice). Je n’en demandais pas tant : je voulais surtout voir le plus près.

attaque mongole grande muraille

Il faudrait être mongol pour attaquer par là… (oups! Je l’ai déjà dit?)

Au bout de quelques heures de routes, nous avons effectivement aperçu un mur au sommet des collines voisines qui avaient parfois l’allure de montagnes… Je veux dire : les mecs n’avaient pas construit leur mur en bas, à portée de mains, mais EN HAUT ! Sur des pics qui étaient déjà infranchissables pour se protéger contre des envahisseurs ou que sais-je… mais n’importe quoi les types ! Personne attaquera jamais par là, faudrait être mongol ! Et j’imagine même pas le taf pour monter les pierres et tout…

Arrivés au pied des collines on nous a proposé de prendre les œufs pour grimper (c’est vous dire la hauteur : comme au ski). Les œufs n’étaient pas gratuits mais on n’a pas tellement eu le choix parce que l’organisatrice ne nous laissait que trois heures de libre avant le rendez-vous déjeuner, et que c’était ça ou marcher une heure avant d’atteindre le chouette mur.

Les œufs n’étaient pas tout neufs non plus, probablement construits à l’époque de Mao (l’homme qui disait: « S’il meurt un million de Chinois il en restera bien 999 millions »), je suis donc monté à l’intérieur le cœur léger, sans aucune crainte pour ma vie, surtout quand l’œuf a viré de bord parce que j’y mettais le pied et que l’accompagnatrice m’a prévenu :

– Attention à la tête ! Y a plein de westelns qui se blessent à chaque fois qui mettent du sang paltout.

Bon.

oeuf grande muraille

La sérénité se lit sur le visage de cet innocent touriste qui voyage en toute sécurité.

L’ascension a duré son petit quart-d’heure, suite à quoi j’ai été réceptionné par une bande de buveurs de thé, et une petite Mongole à l’âge indéterminée (cinquante ans peut-être ?) qui m’a tenu compagnie aussi naturellement que si je le lui avais demandé. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Apparemment c’était son taff de monter et descendre pour suivre les touristes.

– You keep going up and down ? lui ai-je demandé, You’re like a mongol-keeper then?

Et elle n’a pas ri… C’est fou, les Mongols n’ont pas d’humour non plus. J’ai donc pressé la cadence et quelques mètres plus loin j’y étais : sur le chouette mur.

Alors le chouette mur, c’est plutôt une sorte de grande muraille en fait, qui aurait été construite petits bouts par petits bouts qu’on aurait unifiés ensuite. Les Chinois en sont tellement fiers qu’ils ont même donné des noms à leurs petits bouts ! (moi aussi remarque, mais c’est une autre histoire) Un autre truc de fou qu’il faut savoir sur le chouette mur, c’est que c’est la seule construction humaine qu’on peut voir de la lune (les témoins sont unanimes). Et puis aussi, oui, comme je vous le disais, sa fonction est de protéger la Chine des invasions ennemies.

huns grande muraille

Regardez bien la position des doigts! Le chouette mur de Chine est le seul endroit au monde où s’exclamer – hein hein, un hun! – a presque un sens.

Le concept serait original s’il n’était pas la copie conforme de notre glorieuse ligne Maginot, celle qui a retardé l’invasion allemande pendant deux bonnes journées, en forçant Hitler, acculé, à passer par les Pays-Bas et la Belgique (NB : Hitler n’était pas tout seul, contrairement à ce qu’on lit souvent, mais accompagné de ses soldats. Certaines sources prétendent même qu’il ne serait pas venu).

Bien sûr, le chouette mur des Chinois n’est pas aussi perfectionné que notre ligne Maginot (ça reste du made in China, hein): pas d’emplacement pour les canons, pas de souterrains et ils ne l’ont même pas peint ! C’est juste un mur je veux dire, moi aussi j’en ai un chez moi (j’en ai même quatre). Bon c’est vrai que celui-là on peut monter dessus, voir de l’autre côté et tout mais ça casse pas des briques, même si je comprends que ça impressionne dans un pays où les maisons sont traditionnellement faites en bois. M’enfin je me dis que c’est fou d’avoir mis autant d’argent et d’énergie pour construire un mur pareil… Parce qu’il est long, d’accord, mais je doute qu’il puisse arrêter les panzers allemands ! Lol ! J’en suis même sûr : les Chinois ont du bol d’être séparés de l’Allemagne par l’URSS.

thé grande muraille

Il y a des Mongoles cachés dans les tourelles du mur qui vendent du thé, des mars et du coca. Plus on avance moins il y a à boire et à manger toutefois… et plus c’est cher.

Et puis le coup des tronçons, c’est un de ses bordels ! J’imagine l’architecte en chef qui gueule contre l’empereur parce qu’à chaque nouvelle victoire faut reconstruire sur la colline d’après, etc. En plus, de ce que j’ai compris, le mur n’est toujours pas fini même s’ils ont mis un coup de boost et redécoré certaines parties pour les J.O, pour faire style que tout allait bien (ça fait un moment qu’ils ont commencé quand même… la honte).

Par curiosité (eh oui, c’est ça d’être aventurier) j’ai décidé d’aller voir à quoi ressemblait l’extrémité du mur. J’étais accompagné de ma Mongole, très sympa, qui m’apprenait à dire des choses en chinois ou en mongolito et qui prenait des photos de moi (ce qui rendait sa présence tout de suite plus tolérable). En contrepartie je montais les marches au pas de course et je courrais partout pour lui montrer comment j’étais plus sportif qu’elle, bien qu’elle grimpe le mur tous les jours.

Le mur était vraiment long et je n’ai pas pu trouver la fin. Mais c’est vrai qu’il est chouette. Il faut avouer qu’à un moment, pour peu qu’on s’arrête et qu’on fasse abstraction de l’autoroute qui passe en bas, le spectacle de ses anneaux qui se contorsionnent au sommet des monts comme celui d’un anaconda géant fait de boue et de pierres (muses !! Mais muuuuuuses !! Ne me laisserez-vous donc jamais en paix ??) est à couper le souffle.

marches grande muraille

Je l’ai tellement semée que j’ai eu le temps de la prendre en photo une fois arrivé au sommet! Alors? C’est qui le plus rapide? Hmm?

Je me suis avancé, seul face au terrible géant (ma Mongole reprenait son souffle trois cents mètres derrière) et j’ai crié le nom de l’âtman et diverses paroles mystiques, mantra and co pour révéler la poésie de l’endroit. Tout en chantant je parcourais des yeux, comme j’aurais pu le faire avec mes pieds, le chemin qui me séparait « du bout », perdu quelques part dans les vapeurs froides de monts indistincts que j’apercevais là-bas, au loin mais muses, merde maintenant ! Et cette putain d’autoroute qui continuait de vromfleuter ! Du coup je n’ai pas réussi à me projeter dans l’imaginaire, à voir les gardes sur les remparts ni les flambeaux aux tourelles… Ce que j’ai vu, à la place, ce n’était pas un mur, au contraire: c’était un chemin. Un chemin avec des briques d’or, le même que suit Dorothée jusqu’au pays d’Oz et qui s’enfuyait en dansant, là-bas vers l’immensité gondolante et… et… et… Putain de lettre à Elise ! Mon portable qui sonne. Vite, je rejette l’appel pour me raccrocher au rêve et là paf, texto ! C’est pas comme si je connaissais des masses de monde en Chine pourtant (mais bon 1 milliard d’habitants quand même, c’est forcé qu’y en ait qui t’appellent).

autoroute grande muraille

L’autoroute, vue de la muraille… On l’entend aussi. Même si le bruit peut passer pour celui du vent, c’est un peu triste. Allez, un effort d’imagination!

C’était mon maître Kung-fu qui disait :

« Le mysticisme n’est que mystique si la réalité est seulement limitée par ce qui peut-être mesuré par l’intellect et les sens. C’est pourquoi les scientifiques cherchent à comprendre la réalité alors que les mystiques s’entrainent pour l’expérimenter directement. »

Et encore une fois, il avait raison. Enfin je crois, je relis souvent son message : ça m’occupe dans les transports en commun (un peu comme d’autres jouent au sudoku).

Bref, après avoir essayé tout un tas d’astuces imaginationistiques pour enjoliver le tableau ou en recueillir l’essence (selon le point de vue) j’ai pris le chemin du retour, le long de la muraille, et même à travers les collines puisque mon amie Mongole connaissait un raccourci.

J’aurais pu insister pour qu’on se retape les marches histoire de l’achever mais au contraire, j’ai fini par lui acheter un de ses albums souvenirs à 100 yuans (que j’ai négocié pour 50).

Je m’en veux d avoir été faible.

J’ai retrouvé l’accompagnatrice et le groupe, en bas, à la cantine. Puis l’accompagnatrice nous a rembarqué en camionnette et ramené à notre aubergerie en moins de deux : nous étions de retour à 17h00 au lieu des 19h30 annoncées. Elle s’était débarrassée de nous.

poète grande muraille

Vous ne me croirez pas si je vous dis que je me suis arrêté pour écrire un poème et que j’ai été totalement surpris qu’on me prenne en photo à l’improviste, pas vrai? Dire qu’il aura fallu faire des kilomètres juste pour pouvoir me vanter que j’y étais, alors qu’on peut voyager tellement plus facilement, de nos jours, grâce à photoshop.

Mais je m’en fous, ce qui comptais c’était juste que je puisse biffer la case « Grande Muraille » à côté de la Tour Eiffel, Le Taj Mahal, Angkor Wat etc. pour craner auprès des copains à mon retour.

Me manque plus qu’à voir les Pyramides, le Grand Phare, le Colosse de Rhodes , les Jardins suspendus de Babylone et j’aurais fait le tour de toutes les merveilles qui donnent des bonus à « Civilization ».

Je milite aussi pour qu’ils rajoutent la ligne Maginot dans Civilization VI, avec un bonus du genre : « Vous perdez automatiquement la prochaine guerre en plus de vous taper la honte », mais Sid Meier ne lit jamais ses mails.

Car permettez-moi de vous dire que vous êtes un con Monsieur Maginot, oui, un con ! Je sais que c’est risqué de ma part de déclarer des opinions aussi tranchées en public mais je l’assume, avec dignité et courage. Alors reconnaissez que vous aviez tort ! Si au moins votre ligne attirait autant de touristes que le chouette mur (qui lui non plus n’a servi à rien) mais non, que dalle, et qu’est-ce que vous avez à dire ? C’est ça, restez donc cantonnais dans votre mutisme.

panorama grande muraille

Les Mongols n’attaquèrent jamais la grande muraille, pas fous pour autant, ils préférèrent rester cantonnais dans leur pays… (combo là, non?)


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