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Le Paris de la sédentarité | Jay WorldMan

Il est cinq heure du matin et je passe ma première nuit dans mon tout nouvel appartement parisien. Celui que je loue… C’est à dire que j’ai signé un bail et tout pour habiter dedans… J’aurais hésité davantage s’il ne m’avait fallu trois mois pour le trouver. Quelle galère !

Est-ce que l’expression « quelle galère » évoque bien les heures passées à fouiller le web en quête d’annonces immobilières potables qui le plus souvent ne correspondent pas à la réalité ; à converser avec des agents immobilier parfois peu agréables, peu fiables mais très exigeants ; à se rendre à des visites d’appart’ et découvrir sur place que ce n’est pas un voisin défenestré qui cause l’attroupement dans la rue mais que tous ces gens sont là pour la même chose que vous : faire un petit tour à trente dans une cage à lapin qui se loue au mois pour presque tout ce que vous pouvez espérer gagner pendant cette même durée…  On reconnaît ces CDF (Cherchant Domicile Fixe) à leur dossier sous le bras et leur regard méfiant envers toute forme de vie.

J’avais espéré rejoindre une colocation, au départ, mais à Paris, elles s’envisagent souvent différemment que dans mon expérience. Beaucoup d’annonces de colocation dissimulent en fait une « cohabitation » : on n’habite pas ensemble, non, on « partage » des espaces communs comme les toilettes ou la cuisine ; on sous-loue une chambre d’ami pour payer une partie du loyer.

Rien que cette année j’ai traversé plus de vingt pays et dormi dans plus de 150 lits différents, en auberge et chez les gens. Financièrement parlant, cela ne m’aura coûté que quelques mois de ce que je vais dépenser quotidiennement pour survivre à Paris.

Si cela coûte bien moins cher de voyager que de « s’installer » en ville, alors pourquoi tant de sédentaires envient-ils les routards ? La réponse c’est qu’en sus de coûter cher, la vie citadine te tentacule profond. Signe-ci et signe-ça, engage-toi, engage-toi. Ce qui fait que, même si tu en as les moyens, tu finis par ne plus pouvoir partir.
Moi qui ai horreur des contrats et des abonnements, j’ai ces jours-ci des assurances et des bidules qui m’agrippent de partout avec leurs moignons dégoûtants. Ça colle. Ça te fout des inquiétudes et des préoccupations plein le cerveau qui t’angoissent et t’empêchent de « penser »… La semaine dernière, j’en avais la tête qui tournait. Mon thermomètre d’agressivité a viré au rouge lorsque mes préoccupations matérielles se sont mélangées au climat de suspicion, tacheté d’inélégances, qui sévit sur la capitale.

Mais, bizarrement, ou logiquement peut-être, laisser transpirer son agressivité, à Paris, peut résoudre des problèmes. Sans doute cela vous rend-t-il plus « normal » que si vous n’en avez pas et le badaud vous comprend moins si vous souriez que si vous aboyez… quelle différence avec Mihintale !

Et je ne vous parle pas de la quantité de nouveaux machins qu’il a fallu que j’achète pour m’adapter à la viequibougepas, comme des couverts, un micro-onde, des tasses, un sèche-cheveux, un frigidaire; une armoire à cuillères; un évier en fer; et un poêle à mazout; un cire-godasses; un repasse-limaces; un tabouret à glace et un chasse-filous…

Au final me voilà, tout seul, dans un appartement silencieux. Comme je n’arrive pas à dormir, je fais des trucs que je peux pas faire d’habitude dans un dortoir d’auberge ou chez l’habitant. J’allume la radio. Je bouffe bruyamment en pleine nuit, lumière grande allumée. J’écris un article en appuyant fort sur les touches. Je tripote un peu les objets que j’ai achetés pour meubler cette nouvelle vie puisqu’il n’y a personne à qui parler…

Je ne vais pas renoncer tout de suite aux voyages et aux rencontres, je pense. Et sédentarité ne rimera pas chez moi avec solitude, j’y compte bien. M’y essayer me permet de réaliser de nouveau comment le poids de toutes les obligations que cela entraîne peut vous déformer l’esprit jusqu’au handicap… mais n’est-ce pas une aventure que de s’y confronter ? Si Paris est sombre parfois, c’est de cette même obscurité qui tapit les mines d’or, jusqu’à la découverte du bon filon.

Y a plus qu’à creuser. En avant donc, kawabunga !