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Rainbow gathering: l’aventure d’être un hippie | Jay WorldMan

Tout à commencé dans un pays respectable et bourgeois : la Suisse, où je travaillais derrière le bar du staff du festival de jazz de Montreux.

Il y était d’ailleurs question de faire de l’argent, du profit, encore du profit.

En effet, l’intérêt financier du MJF vient en grande partie des pourboires qu’on reçoit en quantité non-négligeable quand au travaille aux bars-de-l’extérieur, ceux au contact de la clientèle suisse zé internatzionale, mieux qu’au bar du staff, caché dans les tréfonds du bâtiment principal, où les staff et staffettes viennent dépenser, oui, mais des jetons en plastique que leur employeur, soucieux d’éviter de potentiels excès de boisson, leur confie à but hydratatoire. Ces jetons donnent droit à sodas et jus de fruit, et c’est la seule chose qu’on peut en faire, à part se les fourrer dans le cul. Où ça ? Au bar du staff.

Bref, ces jetons à la con ne me rendaient pas bien riche et votre serviteur avait entrepris de changer la donne avec la complicité de ses responsables et collègues. C’est ainsi qu’apparut le très populaire « jeu de l’orange » à la surface du comptoir, qui consistait à faire tenir une pièce sur une orange flottant dans un bac d’eau (si la pièce tombe, elle est perdue, sinon les pièces du fond du bac sont gagnées), puis des messages d’incitation aux dons, posts-it et dessins collés un peu partout :

« Donnez, c’est pour manger ! ».

« Un pourboire, un sourire »

« Pas de pourboire, pas de boire »

Car pour finir, et en désespoir de cause, l’équipe s’était mise d’accord pour ne plus servir quoi que ce soit (ou alors très très lentement) à moins d’une donnation.

Sur ces entrefaits arrive un fakir indien (en tous cas il en avait le look) : un de ces personnages qu’on croise au Montreux Jazz Festival. Et c’est la prise de tête ! Pour des raisons de divergeances humoristiques : il m’a fait la blague du type qui trouvait pas notre comportement drôle et j’ai cru qu’il était sérieux ; alors je lui ai fait la blague du type qui va vraiment pas le servir rapidement et il a cru que j’étais sérieux… Enfin, quand je lui ai rendu la monnaie, une pièce a glissé par terre et il a cru que je la lui jetais avec dédain et mépris ; puis il m’a dénoncé à mes responsables…

…et puis on s’est expliqué, on a fait l’amour tout ça : puisque surmonter un différent est le plus sûr moyen de se faire un pote.

Et c’est là qu’il m’a raconté qu’en décembre 2012 il était au Mexique pour les célébrations Maya, dans un « Rainbow Gathering »… Mon Dieu mais qu’est-ce à dire ? Cet homme serait-il de ceux qui aiment les hommes ? Point du tout, car là n’est pas l’objet d’un « Rassemblement Arc-en-ciel »…

Alors quel est-il ?

Un Rainbow Gathering, c’est un événement, ponctuel, pour ne pas dire mensuel, où se rassemble la « Rainbow Family » (qui se compose elle-même de tous ceux qui participent à un Rainbow Gathering : toute l’humanité est bienvenue). Et qu’est-ce qu’on y fait là-dedans ? On célèbre la nature et la vie pendant un cycle lunaire, et mon camarade fakir y avait construit un four à pizza.

Hein ? Comment ça ?

– Bah dans un rainbow, chacun apporte son savoir-faire en fait, tu peux prendre l’initiative de faire n’importe quoi… Il y en a qui instaurent des ateliers musique ou chants, des ateliers prières, des ateliers sexe, n’importe quoi ! Avec mon pote et grâce à notre four, on a réussi à faire cuire des pizzas pour tout le monde juste avant la Moon Party, on était trop fiers ! Tu devrais aller voir une fois, y a des Rainbow Gathering partout dans le monde tous les mois, suffit de regarder sur internet…

Les perspectives aventuresques de ce truc-là étaient telles que je me suis précipité sur internet pour en apprendre davantage et trouver un Rainbow Gathering au mois d’août, mois que j’avais laissé ouvert à l’Aventure (c’était à dire que j’avais rien de prévu et que je savais pas quoi foutre).

Pas facile de trouver quelque chose : des bribes d’informations ici ou là, des sites multicolores qui ont l’air d’avoir été codés sous champignons ; de vagues photos de rassemblement de gens à poils et chevelus en pantalons larges… Rien, je ne trouvais rien de concret qui m’expliquât what the fuck.

Mais sur un forum en ligne trop pas crédible il y avait un calendrier et des dates qui annonçaient quatre Rainbow Gathering pour cet été : un « mondial » au Canada, un « normal » en Belgique ; un en Russie et un autre dans le sud de l’Autriche.

Il y avait d’autres rassemblements d’annoncés mais ils portaient des noms différents : « rassemblement de la nourriture crue » (raw-food gathering) ou « rassemblement soignant » (healing gathering), etc. Je me concentrais sur les quatre « rainbows ».

Le Canada ?

Trop cher, trop loin.

La Belgique ?

Lol.

La Russie ou l’Autriche?

Pourquoi pas, en songeant qu’il y avait des choses à voir dans le coin et que je pourrais aussi rendre visite à ma colocataire à Vienne (cf : l’article « Voyage au Far-East ») je cliquais sur le sujet correspondant. Il y avait là trois ou quatre inscrits qui s’échangeaient des messages du genre :

– On a trouvé un super site pour un rassemblement, dans la forêt, là où deux rivières se rencontrent… venez !

– Vous confirmez qu’il y a bien un rassemblement ? Des précisions sur l’itinéraire, etc Comment on fait pour y arriver.

– Les chiens sont-ils autorisés ?

L’ensemble tenait à peu près sur une page, c’était… EXTREMEMENT VAGUE. Il fallait trouver une petite gare de campagne perdue et marcher dans les bois pour aller je sais pas où… J’ai donc flippé comme une mauviette en achetant mon bilet d’avion (notez que c’est le même process avant chaque départ).

Dans l’enfer du sud-est autrichien

Si vous avez lu l’article « Voyage au Far-East » vous savez ce qui a précédé mon arrivée dans une petite gare de campagne du sud-est autrichien, après un agréable voyage à travers des montagnes sapinantes et verdoyantes. Je suis arrivé là juste après l’explosion d’une bombe nucléo-humanicide dont on a peu parlé dans les médias français, et que là-bas ils appellent « le dimanche ». Rien il n’y avait rien, et surtout pas de bus pour m’emmener un peu plus loin. C’est parti pour du stop… Pensez à ce gars avec gros sac-à-dos sur le bord de la route, c’est peut-être moi. J’avais aussi un sac en plastique rempli de victuailles achetées à l’avant-dernière gare au cas où je ne trouverais pas le rassemblement, ce qui demeurait une probabilité possible.

Le stop, il faudrait que j’y consacre un article entier pour vous décrire tout ce qui se joue dans les quelques secondes où le regard du conducteur et de l’autostoppeur se croisent… Il y a toutes sortes de réactions, c’est passionant. Mais il est clair que, la plupart du temps, quelqu’un d’épuisé qui se coltine 20kg de bagages à marcher tout seul sous le soleil de l’été représente une réel danger pour le conducteur lambda.

Aussi, le conducteur qui me fit la faveur de me prendre à son bord n’était-il pas lambda : il était soûl. Les cannettes de bière jonchaient le sol de la voiture… tout juste avait-il encore suffisamment de conscience pour ralentir au moment de passer devant la « gendarmerie » (version Ostereich) du coin. Pompe à essence puis remarchage et re-autostoppage. Et puis je me suis perdu. Aucune idée d’où trouver telle route qui « part dans la forêt », très sommairement décrite sur le forum. Alors j’avoue, j’ai utilisé le numéro de téléphone portable qui avait été laissé sur le net, et quelqu’un a répondu : ces gens existaient vraiment ! Des gens qui ponctuaient toutes leurs phrases par « man » sur un fond de musique sud-américaine. Je poursuis donc mes efforts, longeant toujours la route et croquant dans ces pommes sauvages que me tendent des arbres (sans doute des pommiers), et enjambant hérissons et souris des champs, leurs têtes applaties et leurs organes rouges mordorés sous le soleil luisant. Bref : la campagne, dans tout sa splendeur simple et naturelle.

Une voiture s’arrête à 200 mètres devant moi et je dois me taper un springt pour arriver à sa hauteur. En espérant qu’elle ne me fasse pas la blague de repartir quand je serai arrivé (ce qui serait quand même marrant, je dosi bien le reconnaître). La voiture a du bon : à son bord, je réalise qu’il me restait plus d’une dizaine de kilomètres avant d’arriver. On me dépose en amont d’un vallon boisé. Je dois prendre la route qui descend vers le fond du val : c’est là-bas que les deux rivières se croisent et qu’a lieu le rassemblemen. Le paysage est magnifique… Je suis tout-tout seul… C’est beau. Alors je vais pas vous dire que je passerai ma vie à cet endroit, mais quand tu débarques tu es saisi par l’exotisme de l’endroit : de la verdure, partout, qui te balance des vagues de tranquilité avec ses bourdonnements, ses champs d’oiseaux et des odeurs… des odeurs à te bourrer les narines comme Rocco Sifredi en pleine action.

Souvent je pense à ce qu’était la vie, avant. Je viens de la ville où Emile Zola a passé son enfance. Un jour j’ai lu un poème dans lequel il décrit comment il allait jouer dans « les collines » tous les jours après l’école, et je trouvais ça fascinant qu’il puisse mettre une telle énergie régulière à se perdre dans la nature : sortir de l’école, prendre le bus, pusi reprendre le bus pour arriver à l’heure du dîner… Sauf que vous l’avez compris, ses collines à lui n’étaient pas à 6km, elles étaient là où se dressent aujourd’hui mon paté de maison… Et encore, ça c’était au XIXème siècle. Mais remontons plus loin encore : la forêt, la vraie, la grande, était aux portes de la ville, aux portes des maisons. Ce n’était pas un endroit spécifique réservé aux promeneurs, c’était le monde entier, le monde extérieur, la mer, l’océan quand le village était le bateau. On s’y aventurait pour jouer, pour boire ou pour faire l’amour, ses odeurs, ses arbres et ses animaux étaient familiers à tous, et les étoiles étaient suffisamment nombreuses et visibles pour qu’on sétourdisse à les regarder : il ne s’agissait pas des quelques petits points que vous apercevez aujourd’hui en penchant la tête à la fenêtre de vos appartements citadins, mais des profusions de décathilions d’étoiles ! Avez-vous seulement déjà vu la voie lactée ?

J’avançais entre les arbres et les odeurs. Dépassant des fermes ici ou là. Toujours tenu par le doute d’arriver jamais à destination. Tiens ! Voilà quelqu’un ! Une jeune fille qui s’extirpe du val à l’aide d’un bâton, le dos courbé sous un gros sac.

– Rainbow gathering ? Je lui demande.

– Oui, c’est par ici.

Je vais croiser d’autres personnes en chemin. Etonnément ce sont toutes des filles. Je sais pas vraiment pourquoi ça m’étonne en fait… Peut-être parce que je m’attendais plutôt à croiser de vieux barbus. Les distinctions de genre sont désuètes mais je dois reconnaître que, sur les routes du monde, j’ai rencontré bien plus d’aventurières que d’aventuriers. Mais genre : bien plus. Ce rainbow gathering est-il une aventure pour d’autres ? Ou juste un style de vie ?

C’est à découvrir d’ici quelques instants, le temps que j’y arrive… Eh oui, c’est long, parce que la magie de ce séjour là-bas procède beaucoup de mon arrivée, et que je souhaite que vous voyiez la frontière qui sépare le monde du rainbow : juste après la dernière ferme, celle à partir de laquelle on quitte la route pour un chemin tortueux de terre et de gazon. La rivière commence à se faire entendre, je croise des trios de personnes aux cheveux longs et aux vêtements bariolés qui me saluent en souriant. Il faut passer un fil de fer pour continuer. Je m’étonne. Pourquoi faire ce fil ? La forêt se poursuit, la rivière se rapproche. Je distingue des tentes entre les arbres… de plus en plus de tentes. Des tentes « quechuas » tout à fait modernes, vertes et bleues fluos qui se répandent de la forêt jusque dans une clairière qui ressemble, à vrai dire, d’avantage à un champ. A gauche, près de hautes mais fragiles structures en bois, des gens font la cuisine. En face, dans le champ où se distinguent, par leur hauteur, deux énormes tipies amérindiens, des enfants jouent tout nus. Les parents vont et viennent à la rivière pour laver des ustensiles avec des cendres, où sétirent dans l’herbe dans d’impressionantes contorsions yogistes… A l’instar des enfants, beaucoup sont nus.

– Salut, euh… je suis nouveau… C’est ma première fois… Tu pourrais m’expliquer un peu, comment ça se passe… ? Steupl… ?

Je demande à la première personne que je croise.

Comment ça se passe ?

 Alors là y a le coin cuisine ; là-bas y a le coin rivière pour laver la vaisselle (on n’utilise aucun produit, juste de la cendre) et là-bas y a un coin rivière pour se laver soi (on n’utilise aucun produit, juste de la cendre). Tant qu’à faire, il faut mieux boire à la deuxième rivière, celle dans laquelle on ne se lave pas : aucun souci, on peut boire directement, l’eau est potable.

« Aucun souci, on peut boire directement, l’eau est potable. »

Je répète : y a qu’à foutre sa tête dedans et boire. C’est fou non ? C’est fou qu’après tant de siècles à boire à la rivière, l’humanité ait produit des individus capables de s’en étonner.

Le « shit-pit » (trou à merde), se trouve un peu plus loin. Il s’agit d’une tranchée de chaque côté de laquelle on peut mettre les pieds. Quand on a fini de faire ses choses* (*= de chier) on peut couvrir ses besoins** (**= sa merde) avec de la terre et se laver le bas du dos*** (***= l’anus) avec une bouteille d’eau disposée là à cet effet…

…tellement plus agréable que le papier ! La technique dite « du papier », qui consiste à s’écraser sa merde entre les fesses, requière ensuite qu’on se lave le cul, de toute façon. Alors pourquoi pas sauter une étape et se laver directement ? Essayez, chez vous (eh oui car l’EXCELLENT Nabolo-blog est aussi un blog interactif !!), remplissez une bouteille d’Evian que vous laisserez en permanence dans les chiottes (pensez à mettre une étiquette dessus pour éviter que vos amis la boivent) et rincez-la** au lieu de la** répandre, le prochain coup.

A part la « salle de bain » au sens large, il y avait aussi le coin cuisine que j’ai déjà mentionné ; la « chai kitchen » où préparer le thé et le café ; deux grands tipis, pour les veillées, en plus du feu sacré, point de tous les rassemblements… enfin je veux dire : des seuls rassemblements qui rassemblent tout le monde, le déjeuner et le dîner.

Arrivé en milieu d’après-midi, ne connaissant personne et n’ayant rien à foutre, je cherchais à me rendre utile en attendant le dîner. Et je demandais au tout venant ce qu’il « y avait à faire ? » et « comment je pourrais aider ? ».

Ma question était mal formulée. Car il n’y a  rien « à faire » dans un rainbow, rien d’autre que ce que tu veux.

C’est une des grandes leçons de mon séjour là-bas : l’anarchie, en pratique, ça marche. Il est faux de dire que c’est idéaliste, l’anarchie fonctionne, sa seule faiblesse étant son manque d’efficacité pour se défendre contre les groupements et pouvoirs qui souhaitent la renverser.

Dans un rainbow donc, il n’y a rien d’autre à faire que ce que tu veux, seulement comme le rainbow est une entreprise collective, ce que tu « veux », tu tends à vouloir le faire avec d’autres, « en compagnie ». Donc quand tu as envie de faire quelque chose, tu peux (t’es pas obligé) inviter d’autres personnes à se joindre à toi… Dans ce cas tu mets tes mains en porte-voix et tu cries « Wood connection ! » si par exemple tu veux aller chercher du bois, ou « kitchen connexion » si tu veux de l’aide ou de la compagnie en cuisine. Et c’est ainsi que, toutes les demi-heures, on entend des cris dans la clairière, qui sont relayés gaiement de groupes en groupes jusqu’à ce que tout le monde soit informé, de bout en bout, que Jo, près de la rivière, a sorti sa guitare et appelle musiciens ou public à se joindre à lui.

Alors parfois y a des « connections » qui sont un peu piège. Je me rappelle avoir répondu à l’appel d’une « food onnection » en pensant trouver à manger alors qu’en fait les types avaient faim… Mais ce genre de malentendus est rare et le système fonctionne, comme dans « Les fourmis » de Bernard Werber, où l’auteur explique que, contrairement aux termites qui vivent sous le joug d’une hiérarchie extrêmement stricte, les fourmis sont des anarchistes : il n’y a pas d’ordre pré-établi, chaque fourmi allant et venant à l’extérieur jusqu’à ramener une information pertinente au groupe, ce qui le convaincra de se mettre en mouvement : pour ramener une miette de pain par exemple.

Dans le rainbow c’est pareil : si ta « connection » ne convainc personne, ben t’es tout seul, et tu peux continuer ou abandonner, c’est COMME TU VEUX. Maintenant ce qui est sûr c’est que si le type qui a crié « wood connection » est boudé par tous le lundi, il remporte un succès tonitruant le mardi, rassemblant d’un coup cette cinquantaine de bras qui a passé la nuit à se peler le cul* sans plus de bois pour alimenter le feu (*le cul du bras ça doit être le coude… ou l’aisselle ? Sinon je vois pas…).

Et si virtuellement il est possible de ne JAMAIS rien foutre dans un rainbow (ou, par ailleurs, tout est totalement gratuit), passés les premiers jours à profiter de cette nouvelle liberté, on s’aperçoit très vite que ne jamais rien faire est ennuyeux à mourir : ça donne envie de travailler, surtout dans ces conditions : en groupe, de son plein gré et le sourire aux lièvres.

Mais retournons à nos lapins : mon arrivée du dimanche, et rien à faire jusqu’au soir… Bah si, quand même : j’ai lavé une poêle avec de la cendre : une expérience transcendantale qui m’a laissé tout effaré : la cendre lave mieux, plus vite, plus efficacement et plus agréablement que n’importe quel produit vaisselle. Un truc de dingo-dingue : le produit ménager ultime… Et je vous parle même pas pour le corps, mais pour la vaisselle c’est juste fou : ça absorbe tous les gras en une micro-seconde, un peu d’eau et hop, y a pu.

 J’étais donc en train de m’émerveiller des effets de la cendre, les pieds dans la rivière, tournant et retournant ma poêle entre mes mains quand j’entendis un cri lointain, qui fut relayé jusqu’à mon bout de clairière : « food connection ». Un cercle s’était formé au bout du champ, qui s’agrandissait au fur et à mesure que les gens s’y mêlaient. Je m’y joignis dès que possible : m’insérant dans la ronde je tournai avec les autres autour du feu en chantant des chansons… Je ne connaissais pas les paroles bien sûr, mais les chansons du rainbow ont ça d’extraordinaire qu’elles sont généralement constitués d’une ou deux petites phrases qu’on peut répéter sans se lasser sur des intonations différentes, au feeling, et selon les nuances de voix apportées par vos voisin, par le groupe… C’est presque comme un jeu qui a cela de magique que les voix humaines, mélangées, en forment une autre, plus grande, plus profonde et plus belle : la voix de Dieu (eh oui, ça y est, j’ai viré mystique).

Lorsque le cercle est devenu trop grand pour que nous puissions continuer de tourner, nous sommes restés sur place, toujours les mains liées, toujours chantant une chanson puis une autre. Parfois pressant la main de notre camarade de droite qui faisait de même jusqu’à ce que la pression nous revint ; parfois embrassant (sur la joue) celui de gauche pour un même résultat. A la « fin » (qui n’arrive pas tout de suite : il doit bien se passer une demi-heure de cercle et de chanson entre l’appel et le dîner proprement dit) ; au moment de délier nos mains juste après un grand « ohm* » (* il s’agit du son primordial dans l’hindouisme, et c’est un son sacré ) collectif, nous les mettons paumes contre paumes et les levons au ciel. Puis nous nous agenouillons, le front contre terre et nous frappons le sol avec nos mains… la terre tremble, comme frappée du galop d’un milliers de chevaux… C’est beau, c’est émouvant, c’est une incroyable démonstration de la force du groupe qui ne laisse jamais insensible, même quand t’as la dalle et que ça fait une demi-heure que t’attend.

 Voici une des chansons qui revenait systématiquement avant les repas (non parce que je vous raconte le dîner du dimanche en version enrichie de mes expériences ultérieures pour des raisons practico-narratives) :

 We are circling / Nous formons une ronde

Circling together / Une ronde ensemble

This is family / C’est une famille

This is unity / C’est une unité

This is celebration / C’est une célébratio

This is sacred / Cela est sacré

 Pour le repas, il faut avoir sa gamelle et sous couvert. Comme j’avais : rien. J’ai découpé un fond de bouteille en plastique pour m’en servir d’auge (ça fonctionne très bien). Le repas est gratuit. Tout fonctionne par donation, ce qui fait que la quantité de nourriture est TRES TRES variable d’un repas à l’autre. Il y a une journée où je n’ai presque rien eu à manger… de fait le lendemain, c’était Byzance. A la fin de chaque repas, le « chapeau magique » circule pour recueillir les donations. Et je conclus, de mon expérience personnelle que, lorsque les gens ont bien bouffé, ils jugent leur participation moins nécessaire que lorsqu’ils n’ont reçu que de la soupe à l’eau. De fait le rythme d’un jour sur deux me semble devoir être une constante.

La bouffe est entièrement végétarienne : RIEN à base d’animaux (ni œuf, ni lait : on leur fout la paix complètement). Il y a aussi un service « raw food », pour ceux qui ne mange que les aliments non-cuits tels qu’on les trouve dans la nature. Moi j’en suis resté au régime « végétarien normal » et je me suis ré-ga-lé, avec un choc gustatif même, le soir de la fête de la pleine lune, quand on m’a servi une sorte de riz-qui-n’était-pas-du-riez avec des morceaux de prunes fraîches à l’intérieur mon palais a dit « what the fuck !? » (mon palais parle anglais). C’était meilleur que le meilleur de chez le meilleur resto dans lequel j’ai jamais bouffé… Tout ça pour dire que côté bouffe, quantité mise à part, on a pas manqué. Et même au niveau quantité je me suis surpris à ne jamais avoir faim, sautant même un repas, comme si l’eau de la rivière et le grand air suffisait.

J’ouvre une parenthèse sur « le grand air ». Ça va paraître con si je vous l’explique pas en détail en insistant un petit peu parce que… j’ai eu l’impression que l’air était « nourrissant », là-bas, dans la forêt. Vous allez me dire que je pousse un peu le bouchon dans le sorties et pourtant jeul jure. Ça m’a fait quelque chose de semblable à ce que j’ai expérimenté lors de mon saut en parachute : haut dans le ciel l’air était sucré comme de la barbe à papa : j’avais envie de le mâcher. Ben là dans le camp c’était un peu pareil… entourés d’arbre, avec la rivière à côté, les chansons toute la journée et toute la nuit et la lune qui devient plus ronde chaque soir… tu bouffes. Je sais pas ce que tu bouffes concrètement mais tu te « nourris », y a une énergie qui passe en toi de l’extérieur par les pores de ta peau plutôt que par ton estomac. De plus en plus mystique, pas vrai ? Mais c’est toujours honnête, car c’est ce que j’ai ressenti. Et en pensant à ma manière « habituelle » de manger, j’ai eu le sentiment que 50 % de ma consommation était habituellement motivé soit par l’ennui, soit par l’habitude… Dans la forêt, un bol d’eau avec quelques plantes me rassasiait jusqu’au lendemain, midi, et je ne m’arrêtais pas de danser de toute la nuit…

Revenons à l’organisation du repas. Une équipe (toujours spontanée) a fait la cuisine, une autre doit se charger du service, sans quoi on arrivera jamais à remplir la gamelle des 200 personnes assises autour du feu. « Serving connection » donc, et des volontaires de se proposer pour transporter marmites et casseroles tout autour du cercle.

Je m’y suis collé le tout dernier soir, et je dois dire que c’est assez ingrat comme tâche… Les couverts des participants sont extrêmement variés, il est parfois difficile d’y faire tenir de la soupe. Quand on revient avec le plat tenu difficilement en équilibre sur la pointe de doigts qui brûlent il faut encore trouver à qui ce putain de plat appartient : il fait tout noir, y a des centaines de gens et l’intéressé s’en bat la race, trop occupé à conversé avec ses voisins d egauche et de droite.

Mais il y a aussi de chaleureux « merci ».

Niveau « chaleur » d’ailleurs j’ai été un peu déçu en arrivant. Etait-ce que le rainbow avait lieu en pays teuton, peu réputé pour l’extraversion de son peuple ? Le sourire n’était pas toujours là. Mais le non-sourire teuton ne dit rien sur les sentiments de la personne comme j’ai eu maintes fois l’occasion de m’en rendre compte et encore cet été avec mon job en colo, quand les petites allemandes qui m’avaient fait la gueule sans discontinuer pendant deux semaines sont venues me serrer dans leurs bras en pleurant au moment du départ.

L’atmosphère s’est un peu réchauffé à la fin du repas lorsqu’un groupe de trois personnes a crié « hug connection !! ». Alors là, paf ! Tout le monde s’est jeté sur eux pour s’agglutiner en une gigantesque « mêlée de câlins », moi le premier une fois que ma voisine m’eut expliquait de quoi il s’agissait.

Pt’ain mais c’est trop bon les « hugs » en fait !!! Cette première « hug connection » me plut énormément. Je crois que c’est ma plus grosse découverte du rainbow : J’ADORE les hugs ! Une fois rentré chez moi j’ai voulu en faire à tout le monde, tout le temps, jusqu’à me décourager petit à petit… la vie normale n’est pas le rainbow, ça ne s’y fait, ou en tous cas pas de la même manière. Au rainbow un hug peut durer cinq minutes montre en main (je vous jure que c’est long) : tu te serres à n’en plus finir mais que c’est bon, c’est même magique… Ca t’emplie d’un sentiment totale d’acceptation de l’autre envers toi. Total. Plus besoin de mots. L’amour, la tolérance et le pardon passent directement de poitrine à poitrine et tout le reste devient désuet. Tu te sens vidé de toutes ces frustrations néfastes qui te poussent habituellement à faire des trucs que toi-même tu réprouves mais qui t’aident à compenser…

 « Putain mais c’est génial !!!! »

Déclarai-je à ma voisine en retournant m’asseoir. Elle sourit. Elle me raconta qu’elle-même, lors d’un autre rainbow et au moment d’arriver, elle avait été accueillie par une dizaine de personnes qui lâchèrent tout ce qu’ils faisaient dès qu’ils l’aperçurent pour se jeter sur elle et l’embrasser… Butin de mer ! C’est d’une arrivée comme ça dont j’aurais rêvé !! Effectivement, et en comparaison avec cette histoire, l’atmosphère d’ici était glaciale…

– Et pourquoi on créerait pas un « comité d’accueil-hug connection » suggérais-je ?

Objectif : bondir sur chaque nouvel arrivant pour lui souhaiter la bienvenue. Je m’y appliquais dès le lendemain, lorsqu’arriva Pierre, un français blanc-chevelu sans doute d’une soixantaine d’années.

-Welcome home ! Lui dis-je (en une journée j’étais devenu plus monarchique que le roi)

– Ah ça c’est la famille me dit-il en écartant son bâton de marcheur pour m’embrasser.

Pierre sentait bon les bois. C’est pas évident au départ d’embrasser (au sens de hug) des hommes, je trouvais ça évidemment plus faciles avec les femmes, moins gênant. Mais au final j’y ai pris plus de plaisir avec les hommes, et en détaillant ce sentiment je me dis que c’est parce que le fait d’embrasser un homme nécessite l’outrepassage de conventions sociales plus solides, ce qui en fait une preuve d’amitié et d’acceptation plus forte. Peut-être. Plus tard j’ai même fait des hugs tout nu… ben ça n’a rien de sexuel voyez-vous. En fait le « sexe » ou disons la « sexualisation » de l’individu disparaît dès les premières heures passées au campement. Comme un bon tiers des personnes sont à poils tes yeux sont automatiquement attirées par les bites, les foufounes et les nichons de tout le monde pendant la première demi-heure, et puis après plus rien : une fois que tu t’es assuré de ce nouveau « contenu » il n’y a plus rien à dire dessus… Ca choque toujours mes amies quand j’en parle mais il n’y a rien de moins sexy qu’une femme totalement à poils. Je vous parle pas d’un modèle qui prend des poses artistiques, ou d’une maman qui revient du shitpit avec les seins au niveau du nombril… je parle de la jolie fille lambda, toute nue qui se promène dans les bois. C’est pas  « excitant ». Y a pas de cuir, y a pas de fares… C’est joli au mieux, poétique, champêtre, mais tu en bandes difficilement. On t’a tellement nourri le cerveau avec l’idée que c’est barbie le modèle dure-pine que tu peux réagir positivement aux fausses-blondes de la télé et rester de marbre devant des beautés naturelles. On entre pas dans un camp naturiste comme dans un peep-show. Pour faire court le « sex » n’a rien à voir avec la nudité mais avec la suggestion/suggestivité.

 Bon mais y a tellement de choses à dire que je m’y perds… Donc après le repas c’est le tour du chapeau magique. Un groupe de musiciens et de volontaires (=qui veut) contourne le cercle en dansant et en chantant…

 …and the more that I give / …et le plus que je donne

The more I got to give / Le plus j’ai à donner

It’s the way that I live / C’est ma façon de vivre

It’s what I’m living for. / C’est pourquoi je le fais.

 …et le chapeau se remplit, ou pas, selon la mécanique humaine que j’ai évoquée plus haut. On donne ce qu’on veut, ou PAS, beaucoup d’un coup ou une piécette chaque soir, ou rien.

L’argent sera dépensée à la ferme la plus proche : on pourra y acheter les victuailles nécessaires, pas d’aller-retour vers le supermarché !

Mais on n’a pas notre propre verger, c’est sûr : la rainbow family est nomade. C’est sa loi la plus fondamentale : l’idée étant que le nomadisme permet d’éviter les congrégations, et donc l’inévitable apparition d’un groupe de pouvoir qui mettrait fin à l’anarchie (terme éminemment positif dans ce contexte et dans toutes les pages de ce blog). Alors tous les mois, hop, on déménage ! Et au regard de cette expérience il me semble bien que la sédentarisation de l’homme fut une connerie. Avec elle naquirent (ou se renforcèrent) les propriétés, les frontières, les pouvoirs… D’où les conflits et la domination. Tout ne vient peut-être pas de la sédentarisation mais je le vois comme un facteur aggravant, et j’idéalise les sociétés des indiens d’Amérique du nord, leurs campements dont l’emplacement variait selon les quatre saison et le respect de la nature liée à ce mode de vie… Quand on bouge, plutôt qu’on n’épuise les ressources d’un même lieu et qu’on s’étend lorsqu’il n’y en a plus, plutôt que de bouger à nouveau. Dans un camp le virus humain se répand en maladie, dans l’autre il n’est qu’une bactérie utile à la vie et à l’évolution d’un plus gros organisme : la terre.

 Je ne suis pas misanthrope, mais je trouve cette macro-vision du monde assez réaliste et parlante.

 Je vous ai parlé des repas, de la chaleur, de l’organisation… Il faut que je vous parle des nuits (désolé je traite tout dans le désordre/par thème… un récit exhaustif de ce qui m’est arrivé en détails prendrait BIEN plus de temps, et c’est l’aventure du Rainbow Gathering qui nous intéresse ici, pas ma vie). La nuit, c’est la danse.

Enfin bon, pas la première nuit que j’ai passé tout seul dans le grand tipi au fond à gauche, celui qui n’avait pas encore été « fumé », c’est à dire : « pas encore rendu imperméable à la pluie », état qu’on peut lui donner en le soumettant à la fumée pendant de un bon 24h. Suite à quoi on retourne la « peau » du tipi et pif-paf : elle est devenue imperméable.

Bref, ma première nuit ne fut pas glop. Je n’avais pas emmené de tente et ce grand tipi tout vide et sans feu était butin d’humide ! J’ai quasi pas dormi. Les jours suivant, une fois le tipi « fumé » il y a eu des gens à l’intérieur et du feu, ce dont je ne me lasse pas de m’étonner : incroyablement comme le feu chauffe ! Je veux dire le feu en plein air : on peut dormir trois mètres à côté qu’il a asseché l’air et monté la température… c’est confortable !

Passons.

Première nuit de merde donc, impossible de dormir jusqu’au levé du soleil à cause de l’humidité et du froid (taille du tipi au fait, pour vous faire une idée, ça doit faire dix mètre de… euh… la ligne qui traverse un cercle en son centre là, ‘savez ? Un truc de Pete le gore). Ca m’a résolu à ne pas me coucher si tôt, les fois d’après. Et pour ça le mieux était encore de se mêler aux groupes de musiques et de danses qui se formaient ici ou là… Je n’ai jamais été un passionné de danse, il est vrai. Certes. Indeed. Mais là, je reprends mon trip mystique pour vous dire qu’à danser sous la lumière de la Lune ou autour du feu je me suis senti investi d’une energie… hors du commun. Je me demande si je suis pas passé à deux doigts de la transe : la nuit de la fête de la pleine Lune. Il pleuvait alors, et après le repas nous avons tourné comme des fous en chantant :

Calling for the Moon, mama calling for the Moon (bis)

Mama, calling for the Moon (bis)

Et puis c’est presque une moitié d’entre nous qui s’est réunie dans « mon » tipi. Une cinquantaine de personnes, autour du feu, instruments de musiques et chants aux lèvres… La fumée s’échappait par l’ouverture en haut du cône de toile où on n’apercevait quelques étoiles, je crois, suis plus sûr mais la rime était trop tentante. Et là on a dansé autour du feu mes amis, dansé mais dansé… sans s’arrêter ! Ma presque-transe s’est déclenchée sur la chanson…

Mother I can feel you under my feet

Mother I can feel your heart beat

Eh ya eh ya eh ya eh ya oh ! (bis)

Je m’arrêtais plus de frapper du pied par terre, j’avais le sentiment d’être connecté avec le reste du monde… rempli de l’énergie que je vous disais, d’autant plus concrète alors que je sens son absence aujourd’hui que je suis à vous écrire sur mon ordinateur. Non sans peine d’ailleurs : écrire me fatigue de plus en plus car cela ne satisfait pas/plus les désirs d’échanges et de partage que je pensais rassasier de la sorte. Bref.

La fête s’est arrêté tard dans la nuit… On peut faire plus tard que ça, c’est sûr, enfin je suppose, mais elle avait commencé tôt : en l’absence d’électricité nous étions plongés dans les ténèbres des heures les plus tardives : trois, quatre heures du matin, alors qu’il ne devait être en fait que onze heures ou minuit, chose dont je ne sais rien vu que personne n’avait de montre et que les téléphones portables avaient été rangés dans les sacs et séparés de leur batterie pour éviter que leurs ondes viennent perturber celles du rassemblement. Le grand tipi s’est vidé petit à petit et je me suis retrouvé près du feu. Il faisait chaud cette fois, ouf, génial ! Mais peut-être un peu trop puisqu’un teuton était en plein flirte avec une teutone… Et il parlait fort l’enfoiré, et elle avait le rire aigüe l’enfoirée… Impossible de dormir !

– Mais quand est-ce qu’il lui fout la langue dans la bouche bordel ?! Que je puisse dormir enfin..

Ca ne devait pas arriver tout de suite hélas : la séduction teutonne ne suit pas le même rythme que l’italienne, comme j’ai pu en juger le lendemain à voir les transalpins à l’oeuvre dans la chai kitchen où ils nous ont préparé de grosses casseroles de pâtes en supplément d’un déjeuner un peu trop frugal par temps de pluie.

Le reste de mon séjour au sein de se rassemblement s’est passé sur le ton de ce que je iens de vous décrire. La journée, quand je ne travaillais pas, je jouais aux échecs avec un pote allemand qui m’apprit également quelques accords de guitares (deux). Je participais aussi à des ateliers spontanés au sein desquels le « maître » (= la personne qui avait prise l’initiative de l’atelier : vous, moi…) partageait un savoir-faire. Anecdote amusante d’ailleurs quand, sortant de la rivière et passant par le cham on m’a proposé de me joindre à l’atelier de « danse en binome corporel » ou quelque chose du genre, ce qui consistait à me faire tout mou et à me laisser pousser dans tous les sens du « guide », ce qui en fin de compte prenait l’apparence d’une danse, à l’élégance sans doute mitigée lorsque ma serviette a glissée et que je me suis retrouvé, bite ballante, à valdinguer de gauche et de droite… (non que je n’ai pas la bite élégante hein ? Mais bon…).

Et voilà, et au bout de quelques jours je suis reparti en embrassant tout le monde, avec des sentiments forts au cœur, en disant à chacun : « See you in 5 minutes ! » ce qui est l’aurevoir rituel dans un rainbow, puisqu’il y a des rainbows constamment et qu’on s’y recroise forcément. D’ailleurs on n’a pas tôt fait de se faire des potes dans un rainbow qu’ils s’en vont aussitôt : rares sont ceux qui y passent un mois entier. C’est un roulement constant de personne… On peut passer quatre jours extra en super compagnie et quatre autres jours plus seul… ça varie, ça bouge, c’est la vie. Et toutes ces petites expériences et rencontres, parce qu’elles sont courtes, ont tendance à être bonnes. Soit qu’elles nous laissent ainsi le sentiment qu’on eut voulu qu’elles durent, soit parce que, mauvaise, elles ne durent pas assez pour devenir de mauvais souvenirs : au pire elles deviendront des bons souvenirs de mauvaises expériences.

Je vous raconterai ce qui s’est passé ensuite dans un prochain article… Mais avant de tourner la page de cette aventure du Rainbow, je vous raconte ma participation plus en détail à l’un des ateliers spontané, la « sweat lodge connection ».

« Sweat Lodge connection !! »

  …c’est le cri que j’ai entendu ce matin là dans la clairière. Et je suis allé voir, pour voir : ce qui est plein de sens.

Avant de commencer un atelier, comme avant de bouffer, comme avant d’entreprendre quoi que ce soit en groupe, on se connecte : on fait un cercle, on se tient les mains, on chante et on « ohm ».

Une fois que la vibe est bonne, que tout le mone est connecté, on peut commencer :

– Euh… c’est quoi exactement une sweat lodge… ?

Il s’agit d’un rituel indiano-chamanique qui consiste à retourner dans le ventre de sa mère pour naître à nouveau.

Merde alors ! Je voyais pas bien comment on allait faire…

Eh bien l’idée c’était de construire « un ventre maternel »… il nous fallait des branches de noisetier !

Logique : ça plie bien une branche de noisetier, elles seraient parfaites en guise de structure pour notre « igloo » en bois qu’on recouvrirait de draps et serviettes. Un trou dans le sol permettrait qu’on y pose de grosses pierres plates qu’on aurait fait chauffer à blanc. Et ce n’est qu’après une dure journée de labeur-construction que notre petit groupe de participants se voit rassemblé autour d’un feu de joie, à l’écart du camp principal, mais près de la rivière. Nous avons suivi le rituel pas après pas, nous nous sommes dénudés, nous sommes entrés dans le ventre que nous avions construits, et nous avons suivi le cérémoniel ancestral… De la fumée s’échappait du ventre. Puis des gens, des enfants qui se précipitèrent en criant pour se jeter dans l’eau glacée de la rivière, à la lumière de la lune et des étoiles, glissants sur les rocheux moussus et riant, riant…

Qu’est-ce qui s’est passé dans la sweat lodge ? Allez voir !