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Dublin et du houblon | Jay WorldMan

Si visiter Venise, c’est sillonner un musée, visiter Dublin c’est entrer dans un pub. Il y a de la (bonne) musique (live) et de la bière partout, et un tas de jeunes pour en consommer. A Dublin, je me suis senti envahi par le sentiment que l’Europe existait. Il y a tant de nationalités qui fraternisent dans la fête et l’alcool que je m’y suis trompé… et détrompé lors de la scène suivante : embarqué dans un « bar crawl » (ou « barathlon », en français) discipline hautement sportive qui consiste à s’alcooliser en voyageant de bar en bar, j’ai assisté à une partie de « pong », autre sport (du même acabit que le barathlon), qui consiste à organiser dix verres en deux grands triangles de chaque côté de la table, et à tenter de faire atterrir une balle de ping-pong dans ces mêmes verres, avec un rebond obligatoire. Bien sûr les verres ne sont pas vides, au début, l’intérêt étant de boire le contenu de ceux où la balle est entrée.
Le jeu se joue à deux équipes de deux, et tandis que l’équipe américaine, portée par des supporters enthousiastes, des cris de guerre et son hymne national s’imposait à une équipe irlandaise moins populaire, il me prit, en compagnie d’un Allemand avec qui je venais de sympathiser, d’entonner l’hymne européen pour faire concurrence à l’hymne américain et soutenir nos semi-compatriotes irlandais. Et nous voilà, bras dessus, bras dessous, fredonnant l’Hymne à la Joie de toutes nos forces…

[youtube]t6Z2hlwWk4w[/youtube]

…jusqu’à ce qu’un des joueurs irlandais se retourne pour nous demander :

– Mais pourquoi vous chantez ça bordel ?!

Mon optimisme européen s’en est trouvé ébranlé.

C’était peut-être pas l’Europe que j’ai vu dans Dublin, mais simplement la jeunesse du monde… et puis c’est tout ?

Quant aux Irlandais. Je ne suis pas sans savoir qu’ils ont très bonne réputation. Et c’est vrai que, contrairement aux Français ou aux Anglais à qui l’on peut reprocher sans se tromper une certaine hauteur (et d’avoir opressé une bonne partie des peuples du monde) ils sont d’abord simple, sans sophistications. Cependant… je sais pas comment le dire mais pour être sincère jusqu’au bout… euh… disons que si un jour je lisais quelque part que « les Irlandais sont un peuple disgracieux dépourvu dautres ambitions que celles de se nourrir, de boire, de chanter, de danser et de jouer de la musique, non sans une certaine brutalité qui ne lui enlève toutefois pas de sa bonhomie » …ben je pense que je serais pas loin d’être d’accord (notons d’ailleurs que cette description n’est pas forcément négative, selon le point de vue).

Mais bon, je peux me gourer, les généralités n’étant jamais fiables, la preuve : j’ai eu 3 jours de beau temps alors qu’on m’avait décrit Dublin comme perpétuellement pluvieuse.

Visiter Dublin

Pour visiter Dublin j’ai profité d’un tour guidé « gratuit » de la ville (de ceux ou tu laisses un pourboire à la fin – donc généralement financés par des Américains) et l’histoire du pays n’a rien trahi de ses ambitions : une quête pour la survie agrémentée d’anecdotes au sujet des personnalités de la capitale : Bono de U2; Bram Stocker l’auteur de Dracula; Thomas Antony le fondateur de Ryanair, présenté comme l’un des hommes les plus détestés au monde (mais faut peut-être pas exagérer ?) alors que nous découvrons Trinity College, l’université où il a étudié, comme d’autres types plus historiquement notables avant lui mais ayant moins d’impact sur mon quotidien.
Près de l’entrée je rencontre la fameuse Molly Malone (en photo), dont tous les rugbymen anglophones connaissent la chanson.

In Dublin, fair city
Where girls are so pretty
I first set my eyes on sweet Molly Malone,
As she wheeled her wheel-barrow,
Through streets broad and narrow,
Crying, « Cockles and mussels, alive alive oh! »

A part ça, et pour finir ce récit de voyage par une anecdote cocasse et une leçon de vie, il faut que je vous parle de l’énergumène avec qui j’ai partagé, hélas, mon dortoir d’auberge. Un Irlandais « franc du collier » pour ne pas dire « grave-relou » qui interrogeait tous les membres du dortoir sur leurs allées et venues, combien de temps ils comptaient rester, quand est-ce qu’ils allaient repartir, etc. A peine intrusif. Et c’était pire avec les demoiselles. C’est d’ailleurs son attitude qui m’a convaincu d’acheter un cadenas pour mon tiroir.

La scène se passe à 3h00 du matin, le dernier soir. Je suis réveillé par les insultes de cet Irlandais qui s’excite tout seul contre un de mes co-pensionnaires :

– Enculé ! T’as pris mon lit ! T’es vraiment un enculé mon pote, rends-moi mon lit, etc.

– Mais non c’est pas ton lit mon pote, la réception m’a confirmé que tu t’étais trompé, ton lit c’est là-bas…

– Enculé ! Rends-moi mon lit, enculé, enculé, enculé, etc.

Là, comme de toute façon tout le monde est réveillé, une femme, plus âgée, qui (ne) dort plus loin intervient :

– Mais si Brian (nom de l’irlandais – que tout le monde connaissait, à force), tu sais très bien que ce n’est pas ton lit : tu m’as dit toi-même en arrivant dans ce dortoir que tu ne savais pas où était ton lit et que t’avais pris le premier que tu voyais…

Et Brian de répondre :

– Bon, je vous avais prévenus, je vais chercher le mec de la réception.

Dix minutes plus tard je suis donc réveillé de nouveau par Brian et le « mec de la réception », qui déclare :

– Non Brian, ce n’est pas ton lit, ton lit c’est l’autre là-bas.

– Ah ? Bon. D’accord.

Sauf qu’à ce moment-là, on ne sait pourquoi, mais le type que Brian a réveillé et insulté avec insistance un peu plus tôt se vexe à retardement. Il se lève du lit et prend une attitude menaçante vis-à-vis de Brian.

– Il m’a insulté. Je lui ai dit que c’était pas son lit mais il a continué à m’insulter !

– Pardon mon pote, s’excuse Brian, soudain mielleux, pardon…

– Non, tu m’as insulté ! Je veux des excuses !

– Je suis désolé mon pote, pardon, tu peux te rendormir maintenant… renchérit Brian qui tente de calmer le jeu.

– Tu m’as insulté ! Repart l’autre type (Français à coup sûr, dirais-je, à son accent), ça va pas se passer comme ça !

Comme la situation s’enlisait et que je ne parvenais toujours pas à dormir, je me suis permis d’intervenir :

– Bon, il s’est excusé, chacun a son lit, on pourrait peut-être tous dormir maintenant ?

J’avais vu juste : ils attendaient l’intervention d’un tiers pour sortir de cette épineuse situation, et nous voici bientôt couchés et rendormis jusqu’à ce que…

– Eh ! …Ohé ! …Hey !

C’était Brian.

Il tentait d’interpeller une Australienne qui faisait tous les efforts du monde pour quitter la chambre en toute discrétion : il était 4h30, un bus l’attendait pour l’aéroport.

– Hey ! Tu m’appelles hein ? Tu as mon numéro ?

– Oui-oui Brian, chuchote-t-elle en rassemblant ses sacs.

– Tu veux mon adresse e-mail aussi ?

– Non c’est bon, merci… j’ai ton numéro…

Bien sûr, Brian ne faisait aucun effort pour parler bas. En fait, il s’en battait les couilles du reste du monde et, bien que juste à la limite, il n’était pas suffisamment débile pour qu’on lui pardonne tout. C’était la troisième fois qu’il me réveillait. J’étais fa-ti-gué et de plus en plus é-ner-vé. Enervé comme quand tu es le témoin de quelque chose d’énervant justement, que tu peux prédire comment ça va continuer, et qu’il se trouve que tu tombes juste. J’anticipais par imagination le pire que Brian pouvait dire ou faire, seconde après seconde, et cela se produisait inévitablement. Ainsi grandissait chez moi la conviction de plus en plus ferme que Brian n’était pas homme à qui l’on peut s’adresser gentiment, au fur et à mesure que ses deux testicules faisaient tic-tac devant mes yeux. Je nous donnais toutefois une dernière chance, avant de laisser éclater la chaudière :

– Bon, Brian, coupais-je, tu m’as déjà réveillé trois fois, tu peux arrêter ça s’il te plaît ? Merci.

Ma voix était ferme dans le noir, mais pas spécialement agressive. Pas comme il aurait fallu en tous cas puisque trente secondes plus tard Brian siffle et caquette à l’intention de l’Australienne qui quitte la chambre pour de bon…

C’est le signal. Le signal dont je sais qu’il signifie pour moi la mise en application du plan « Delta ». Pour bien comprendre ma réaction je vous invite à prendre connaissance d’un précédent, en lisant cet article.

C’est une triste vérité, mais c’est une vérité quand même : il y a des gens qui se foutent des autres. Leur parler, j’ai le regret de le constater, ne mène à rien : ils fonctionnent à la fessée. Brian venait de me convaincre qu’il était de ceux-là. Le plan Delta ayant déjà été arrêté dans ma tête, je n’ai plus qu’à me laisser porter : je bondis hors de mon lit comme un sauvage, je m’accroche à la balustrade du lit superposé de Brian en lui maintenant les bras avec la main gauche pour éviter toute riposte et je lui mets des tartes dans la gueule au cri de « TU VAS LA FERMER MAINTENANT ?! ».

Sa réaction me laisse pantois. Il ne bou-ge pas. Comme une enfant puni, ou comme une autruche, il fait le mort. J’arrête les baffes tout en continuant de lui expliquer pédagogiquement la situation :

– Je suis FA-TI-GUE et je veux DOR-MIR maintenant !! C’est compris ?! DOR-MIR !!

Brian ne bronche pas, non plus que les autres habitants du dortoir. Je retourne me coucher et chacun de se rendormir (je suppose) : moi en me demandant si cette scène a vraiment eu lieu.

La même loi a cours dans la jungle et les dortoirs. Je ne cherche pas à justifier la violence, mais peut-être la défense, et la fessée, aussi, parfois…? Non sans tristesse en songeant que Brian avait du recevoir sa part, enfant, pour ne pas réagir à d’autres limites que celle-là.

Ah et puis : vive l’Europe !