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Le carcan des jugements de valeur | Jay WorldMan

 » Juger n’est pas nécessaire lorsqu’on n’en a pas besoin  » – Nabolo, penseur contempourien

Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans mon dernier article, je ne suis pas machiste. On ne m’a jamais appris à faire de distinctions de valeur entre les personnes de sexes différents et ça ne m’est jamais venu à l’esprit tout seul.

Je trouve même assez bizarre de s’enthousiasmer pour quelqu’un qui dirait que la femme est l’égal de l’homme, ce serait comme m’extasier sous prétexte que mon voisin raconte que la maison est une maison, que la voiture est une voiture, que le chat est un chat (au début je voulais dire « que le ciel est ciel » mais les muses me guettent, prêtes à dévoyer mon propos par leurs digressions poétiques, soyons prudents !).

Ce n’est pas le seul domaine dans lequel j’ai raté mon éducation. Je n’ai pas non plus de jugement de valeur pour les métiers, les opinions, etc. Et en fait je n’ai juste quasiment plus de jugement de valeur du tout. Ce qui fait de moi un extra-terrestre social : la preuve en direct c’est que je m’en vante et qu’exprimer tout haut ce que l’on croit être une qualité est interdit, puisque ce n’est pas « bien » (article B112 paragraphe 3 du code de « conduite normale »).

De quoi il résulte que l’autre jour, quand j’ai eu le malheur de dire, lors d’une conversation avec une inconnue, que j’étais quelqu’un « qui ne jugeait pas », j’ai immédiatement été rangé dans la catégorie des types « qui disent qu’ils ne jugent pas » : de fieffés connards qui jugent d’autant plus intensément qu’ils prétendent s’en abstenir, ai-je cru comprendre par la hargne subite de mon interlocutrice.

Si vous avez bien lu la Philosophie de l’Aventure (et vous devriez vu que je me tue à mettre des liens vers cet article dans quasi chaque nouvelle publication) vous comprenez que « ne pas juger » ne signifie pas, dans ma bouche, de ne pas avoir d’opinion, mais de toujours relativiser sa position et, sans pour autant s’en défaire, de ne pas la considérer comme meilleure qu’une autre, dans l’absolu, c’est-à-dire du point de vue d’une morale universelle.

Généralement quand je prends l’exemple A, tout le monde est d’accord avec moi, voyez plutôt :

Exemple A – « D’un certain point de vue, c’est faire le mal que voler, mais d’un autre point de vue ça peut aussi faire le bien. »

Tous ceux qui connaissent Robin des bois comprendront pourquoi ça peut être bien de voler (genre pour donner aux nécessiteux). Ca veut dire que tout le monde est capable de se mettre à la position de quelqu’un d’autre et de relativiser : il n’est pas absolument mal de voler.

Mais le problème, par exemple, c’est que si je rajoute un « i » à mon Exemple A, c’est beaucoup plus difficile à admettre.

Exemple B –  « D’un certain point de vue, c’est faire le mal que violer, mais d’un autre point de vue ça peut aussi faire le bien. »

Pourtant, le mécanisme est le même : il s’agit de se mettre à la position de quelqu’un d’autre et de relativiser. Ce quelqu’un d’autre n’est d’ailleurs pas forcément humain (ex : le point de vue de la nature pour expliquer que la mort d’un humain peut-être quelque chose de bien) mais les civilisations humaines, qui sont et ont été d’une grande variété, permettent pour beaucoup et à elles seules de comprendre, par exemple, pourquoi un conquérant du Vème siècle peut socialement considérer le viol comme une activité nécessaire et positive afin d’étendre sa culture et son empire.

L’exemple est fait pour choquer, certes, mais sert à ce que vous visualisiez le mécanisme et son application à toutes sortes de situation… autre exemple : que penser d’une invention, louée entre toutes, qui met fin à une guerre mais tue des milliers de gens et les handicape sur plusieurs générations ? C’est bien ou c’est mal ? Est-ce pire que mes précédents exemples ? On ne sait pas, on ne sait plus : c’est le méandre des valeurs dont le philosophe de l’aventure s’extirpe, grâce au « pouvoir absolu » pour vivre à fond son aventure de la vie. J’ai déjà évoqué tout ça mais sans donner beaucoup d’exemples concrets.

Si j’en donne maintenant c’est parce qu’il me fallait introduire le sujet que je veux aborder, les jugements de valeur concernant les métiers. J’en ai deux en tête qui m’entraînent régulièrement dans des débats sans fin : le métier de prostitué(e), pour commencer, et plus récemment, celui de femme/homme de ménage.

Rien que de citer ces métiers, j’imagine, évoque déjà chez une partie d’entre vous un certain nombre de froncements de sourcils et d’a priori.

Tout d’abord, la prostitution. Je ne vais pas tourner autour du pot, la prostitution, je ne vois pas pourquoi c’est, dans l’absolu, un métier dégradant. Dans notre société ça l’est, à cause de la morale publique et des codes sociaux, soit l’uniformisation et la simplification de la pensée, lesquelles produisent une accélération néfaste des rapports humains quand, chaque humain étant différent, ils feraient mieux de prendre le temps d’apprendre à se connaître individuellement.

Je vais même aller plus loin, la prostitution, connue pour être « le plus vieux métier du monde » est probablement un des labeurs les plus nécessaires et utiles qui soit. Je parle tant de la prostitution masculine que féminine, je vous l’ai dit plus haut : pour moi c’est tout pareil. Reste que historiquement c’est à des millions de femmes prostituées que des milliards d’hommes doivent d’avoir connu le réconfort, l’amour, le plaisir, la tendresse, etc. qu’ils n’auraient peut-être pas connus autrement. Et la société, la morale nous disent que ce n’est pas un beau métier ? Ce qui n’est pas un beau métier c’est l’esclavage humain, la maltraitance, la précarité, etc. Ce ne sont d’ailleurs pas des métiers du tout. Mais si les prostitué(e)s avaient des temples et des statues comme il a pu y en avoir en Inde ou dans l’antiquité ; ou qu’elles officiaient dans un palais et étaient traitées comme des reines, la profession serait vue d’un œil meilleur.

Tout ça est décidemment question de point de vue, et des sociétés qui refusaient jadis que les comédiens soient enterrés au cimetière en font aujourd’hui le top du gratin de leur hiérarchie. Ca va ça vient comme ça leur prend : en fonction des besoins sans doute. Des prostituées bien considérées à un âge spirituel où on n’avait pas de tabou mais besoin de tendresse ; les divertisseurs au top à l’âge où ils sont plus efficace que la guerre pour détourner l’attention des peuple.

J’enchaîne parce qu’il est tard et que vous commencez à me gonfler (j’en ai vu qui contestent dans le fond).

Le deuxième métier que je voulais aborder c’est celui de femme (ou homme) de ménage. On m’a soutenu récemment que c’était forcément un métier pourri, point de vue contre lequel je m’élève énergiquement. Evidemment, femme de ménage quand on n’a pas le choix, qu’on déteste ça et qu’il faut nourrir une famille ça fait chier. C’est comme prostituée quand on a été forcée, enlevée, violée, droguée et exportée d’un continent à un autre jusqu’au coin d’une rue sale à deux heures du mat’ par moins 7 degrés, c’est pas le top. Maintenant on serait banquier ou Président de la République dans les mêmes conditions je pense que ce serait pareil. Alors que prostituée à l’Elysée par exemple, avec chauffeur et gardes du corps inclus ça le fait.

La prostitution ce n’est pas marcher en cercle dans une rue froide comme je l’ai décrit plus haut, c’est de donner du plaisir charnel à quelqu’un. Si c’est fait volontairement dans de supers conditions je vois pas où est le problème… mais le problème que je vois c’est que la morale empêche cet heureux dénouement (cf: interdiction des maisons closes et empêchement de la mise en place de conditions de travail saines pour un corps de métier qu’il n’a jamais été possible d’éradiquer).

Mais revenons au non moins noble métier de femme/homme de ménage. Comme je disais, quand on n’aime pas ça c’est pourri. Mais certaines personnes aiment ranger, et faire que les choses soient propres, ce qui procurera à n’en pas douter un immense plaisir pour celui qui se sert de ces choses ou y habite. Un bon homme/femme de ménage aura, à travers son travail, un impact super positif sur la vie d’une famille. Comme un bon cuisinier par exemple. Alors pourquoi cuisinier c’est bien et homme/femme de ménage c’est nul ? Parce qu’il y en a un qui fout des trucs dans une marmite c’est noble et parce que l’autre il frotte le plancher c’est pas noble ? J’y comprends rien. La seule chose que je comprends c’est que ce sont là des héritages du passé, d’un système de caste auquel je me sens absolument étranger. Ce qu’il faut c’est que les gens aient la liberté de faire professionnellement (ou non) ce qu’ils aiment vraiment faire, comme cuisiner, nettoyer, faire l’amour, gérer de l’argent et présider par exemple, sans aucune pression sociale qui leur dirait « Ah mais non, ça tu peux pas le faire vu que c’est pas bien ». Nan : chacun devrait faire ce qu’il aime VRAIMENT faire. Ca alimenterait le bouillon de la vie de manière positive, ce serait riche en liberté donc en aventures !

J’ajoute encore que, comme pour un grand cuisinier, une grande femme/homme de ménage possède une expertise qu’il/elle peut développer jusqu’à des niveaux qui forcent le respect et l’admiration.

A priori n’importe qui peut se saisir d’un balai et nettoyer le sol. Mais le non-initié mettra trois heures au lieu de dix minutes avec un résultat plus douteux à la fin qu’au début. A priori aussi, n’importe qui peut faire chauffer de l’eau et mettre des trucs comestibles dedans, mais la soupe peut tout aussi bien être immangeable à la fin. Et de même qu’un grand cuisinier peut cuisiner des bonnes choses plus rapidement qu’un autre, un grand homme/femme de ménage peut rendre une maison plus rapidement accueillante et propre qu’un autre.

Dans les deux domaines il y a une expertise à acquérir, mais aussi à approfondir. Les grands chefs ont repoussé les limites de la cuisine au-delà de toute espérance gustative, il pourrait en être de même avec le ménage. Mais ce domaine, qui a pourtant connu des progrès remarquables tout au long des siècles, n’a pas bénéficié des mêmes attentions et des mêmes talents. Forcément, si les gens un peu doués pour le ménage sont découragés de se lancer dans ce domaine au prétexte que ce n’est pas un métier noble, il ne reste que ceux qui n’ont économiquement vraiment pas le choix… qui feraient peut-être de bons ouvriers, de bons poètes, de bons que sais-je mais qui se retrouvent là, comme d’autres à d’autres époques étaient contraints d’exercer le ridicule métier de chanteur, par exemple, et des exemples il y en a tellement qu’on s’y perdrait.

Autre argument : dès que quelqu’un est bon dans un métier, qu’il l’aime et pour lequel il est doué, il sort du lot et force le respect et l’admiration. Le grand régulateur de l’explosion des talents dans un domaine de compétence est donc bien la morale publique qui autorise que tel domaine de compétence soit considéré comme noble ou pas. Et perso se limiter toujours à l’approbation des autres, pour moi ce n’est ni plus ni moins que de l’esclavage. Ca ne veut pas dire que ce n’est pas bien dans l’absolu, je respecte ceux à qui ça plait, mais personnellement ça ne me convient pas. D’autant plus que cette morale publique est aussi futile que changeante.

Il y a tellement de cultures différentes, éteintes, vivantes ou potentielles qu’il me semble invraisemblable d’affirmer l’existence d’une morale universelle… et en usant d’un peu d’imagination on met facilement tout sens dessus dessous : prenez ce que notre société considère de plus dégradant et inversez la tendance, mettez-le au top ! Faites la même chose avec ce que notre société considère au top, et inversez ! Ce genre d’inversions s’est souvent faite dans l’histoire, ainsi la peau bronzée était considérée comme une marque de laideur, à l’égal de la minceur ; ainsi les bains et la toilette étaient considérés comme des pratiques dangereuses ; j’en passe et des meilleures !

Quid si la morale publique anoblissait le métier d’éboueur ? Ce métier ne serait plus un « métier par défaut ». Les personnes que ce métier intéresse spontanément s’autoriseraient à s’y intéresser vraiment. Ils inventeraient comment améliorer la pratique de ce métier pour la rendre plus efficace et pour étendre son champs d’action à des domaines connexes. Des experts feraient leur apparition, développant de nouvelles techniques pour améliorer l’entretien et la beauté des rues. Les bennes à ordure deviendraient belles, parfumées, elles joueraient de la musique en passant ; les sacs poubelles seraient imprimés d’oeuvres d’art; des experts éboueurs talentueux feraient leur métier en silence, sans gêner la circulation, en adressant des sourires à tout le monde pour répandre autour d’eux la bonne humeur et la positivité… Avec de l’imagination et de la volonté on peut toujours devenir meilleur à quelque chose. Et si en plus améliorer tel domaine devient une activité reconnue alors les talents se rassemblent et les vocations explosent ! Il n’y a qu’à voir ce que sont devenus les tennismen en un siècle et comparer les différences de niveau : on peut toujours aller plus loin, toujours s’améliorer et tout devient possible une fois qu’on s’est libéré des carcans de la morale publique et qu’on s’adonne à des activités qui nous enthousiasment vraiment.

Rappelez-vous de tout ça, remettez en cause ce qu’on vous a présenté comme un bien ou un mal universel. Tout est chamboulable, tout est possible et souvenez vous que d’un point de vue moral, dans l’absolu, RIEN N’EST JAMAIS MEILLEUR QUE RIEN.

…et cela procure une immense vertu à ceux qui le comprennent : l’impossibilité totale d’éprouver du mépris.

A bon entendeur, salut.

Ps : un peu de lecture sur le même thème : « Méprise de risques ».

PPS : Travaux pratiques (en commentaire) – donner un exemple de choses qui vous semblent absolument bonnes ou mauvaises, et trouver un point de vue qui permette de penser le contraire. (2 Nabolo-points de récompense)

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